Dans le classement des quinze plus grandes fortunes mondiales, huit sont des acteurs du monde des GAFAM… dont quatre le sont pour la création d’outils « gratuits ». Il y a Mark Zuckerberg créateur de Facebook, mais aussi les moins connus Larry Page et Sergey Brin co-inventeurs de Google. Ces fortunes sont le fruit de la disparition de nos vies privées, de la revente de tout ce qui peut se monétiser dans nos usages quotidiens du net… de toutes ces petites parts de nos vies, de notre quotidien que nous partageons volontairement et bien souvent involontairement. Ces tout petits riens que nous offrons facilement dans un large « Je n’ai rien à cacher » ne sont apparemment pas perdus pour tout le monde.

Dans le rachat de Twitter, il y a, au-delà des questions financières, des questions plus éthiques qui se posent. Elon Musk se présente comme un défenseur tous azimuts de la liberté d’expression. Il s’est offusqué des pratiques de modération du réseau en particulier durant la dernière campagne présidentielle aux États-Unis. Que va-t-il donc faire de son nouveau jouet ? Y laisser se déverser tout et en particulier les propos haineux et les fake news ? La question se pose et si dans les premiers jours après ce rachat il affiche sa volonté de se calquer sur les directives européennes bien plus restrictives que celles de l’oncle Sam, qu’en fera-t-il au final ? Béatrice Delvaux dans le Soir terminait son article sur Elon Musk titré « Hyper-ego, business et liberté d’expression : dangereux cocktail » par ces mots : « On se doit d’autant plus de suivre de près ce qu’il fera de sa nouvelle acquisition qui, cette fois, n’est pas de nature à nous emmener sur Mars, mais à changer le cours de la démocratie ». C’est que ses « dérapages » sur Twitter sont légion et qu’il s’est déjà vu interdire les tweets rageurs sur ses contradicteurs à propos de Tesla par le conseil d’administration de la firme automobile. Béatrice Delvaux dans ce même article fait un parallèle particulièrement adéquat avec le rachat de divers médias par Vincent Bolloré… On ne s’improvise pas capitaine de presse, même si on a réussi dans d’autres domaines et définir un cadre de modération d’un réseau social, c’est bien définir un cadre à un outil de média.

Cela questionne le cadre démocratique, l’influence de ces médias sociaux, de leurs milliardaires omnipotents sur nos vies, nos choix démocratiques et l’influence de leurs fortunes sur nos espaces politiques. Comme le rappelle la rédaction de Framasoft dans l’article que nous vous invitons à lire « Elon Musk et Twitter VS Mastodon et le Fédiverse  », aucun outil numérique n’est neutre. La façon dont il est conçu, les actions qu’il permet et ne permet pas, influencent forcément l’expérience que nous vivons en utilisant cet outil et reflètent des valeurs et choix sociétaux (comme le choix d’outils sur le modèle de la centralisation ou en instances fédérées). Et puis, comme le souligne brillamment Framasoft dans le même article, le rachat de Twitter vient nous rappeler de nous questionner sur le fait que « lorsqu’un outil numérique peut accéder à votre cerveau, alors ceux qui s’achètent un accès à ces outils s’achètent un accès à nos cerveaux. Cumulez des accès précis à suffisamment de cerveaux et vous pouvez manipuler une société vers vos intérêts  ». Enfin, les algorithmes qui régissent la visibilité des contenus et notamment ceux au service du modèle économique du temps d’attention, mêmes rendus transparents, sont-ils vraiment neutres face à la liberté d’expression ?

Vincent Bolloré contrôle des chaînes de télé, des médias papier… et semble bien y influencer la ligne éditoriale comme le révèle le documentaire de Mediapart « Media Crash  ». N’y a-t-il pas un trop grand mélange de genres quand les grandes fortunes du logiciel propriétaire deviennent aussi les maîtres de nos réseaux sociaux, de nos sources d’informations. N’est-on pas en train de voir apparaître des « maîtres du monde » à l’image de Marc Zuckerberg, patron de Facebook et Instagram, qui menace de fermer tous ses services en Europe si le parlement européen en venait à lui imposer le respect strict du RGPD sur ses plateformes. N’assistons-nous pas à un renversement de pouvoir si peu démocratique ?

 
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