- Constats et motivations
Un colloque ? L’occasion de conceptualiser...
Le 7 décembre 2009, les CEMEA étaient invités à participer au colloque “Filles-garçons : une même école ?”, organisé par la Direction de l’Egalité des Chances de la Communauté française, en prenant part à une table ronde réunissant des “expert-e-s” en formationslié-e-s au genre.
Outre le fait que ce colloque a été l’occasion de faire connaître à un public plus large notre formation “Pour une éducation à l’égalité des genres” et ses objectifs, il a aussi nécessité de prendre le temps d’expliciter notre démarche de formation. Identifier, analyser, conceptualiser... et finalement formaliser ce que nous défendons, ce que nous pratiquons, ce que nous mettons en place avec nos participant-e-s. Ce travail de formalisation, en nous obligeant à retracer l’historique de cette formation, à remonter à sa source, nous a également permis de nous repositionner sur son sens, ses modalités et ses finalités...
“A quoi joues-tu ?”
La formation “Pour une éducation à l’égalité des genres” telle que nous la connaissons aujourd’hui a été conçue dans la continuité d’un projet européen appelé “A quoi joues-tu ?”.
En 2005-2006, plusieurs formateurs et formatrices des CEMEA ont participé à ce projet précisément intitulé “A quoi joues-tu ? Quelles pratiques éducatives construisent l’égalité entre les garçons et les filles ?”. Clôturé par un colloque au parlement européen de Strasbourg, ce projet a été mené pendant environ une année et demie par des associations françaises, belges et italiennes dans le cadre d’un programme dont le but était de “ favoriser l’évolution des rôles des
femmes et des hommes et éliminer les stéréo-types sexistes”.
Pour les CEMEA et ses militant-e-s, la question de l’égalité des genres est une préoccupation importante et qui vient de loin… En effet, depuis leur création en 1946 en Belgique, les CEMÉA ont affirmé que l’éducation s’adresse à
tous et toutes, sans distinction d’âge, de culture, de sexe, de convictions, de situation sociale. La lutte pour la mixité des sexes dans les centres de vacances et à l’école fut l’un de nos premiers combats. Mais ce combat une fois gagné, l’égalité de traitement entre les filles et les garçons n’était pour autant pas acquise soixante ans plus tard. C’est notamment ce que nous comprendrons en prenant part à ce projet en 2005.
Nous pensions, de manière peut-être un peu naïve, que le concept d’égalité des genres avait réellement progressé dans la société au cours des dernières décennies. Certain-e-s d’entre nous pensaient même qu’il s’agissait d’un combat gagné ou en passe de l’être. Mais au fur et à mesure de l’avancée du projet, au fil des formations, des journées d’étude, des enquêtes et des actions de sensibilisation auxquelles des formatrices et formateurs des CEMEA ont pris part, nous nous sommes rendu-e-s compte que, malgré les progrès réalisés en matière d’égalité hommes-femmes, les questions liées aux genres étaient plus que jamais d’actualité et que nous nous trouvions face à un véritable défi !
C’est pourquoi, à la clôture du projet “A quoi joues-tu”, un groupe de réflexion appelé “Pour une éducation à l’égalité des genres” s’est créé au sein des CEMEA belges, afin de poursuivre la réflexion et de mettre en place des actions de
formation, d’échange de pratiques… destinées à sensibiliser les différent-e-s acteurs et actrices de l’éducation sur la présence et sur l’influence de stéréotypes sexistes dans leur vie et leurs pratiques.
Triste constat : “Les femmes n’ont pas le sens de l’orientation”
L’un des résultats majeurs d’“A quoi joues-tu ?” a été la prise de conscience forte et définitive de l’existence et de l’influence des stéréotypes sexués dans notre vie à tou-te-s. En effet, parent, grand-parent, enseignant-enseignante, animateur-animatrice, formatrice-formateur… nous sommes sans cesse confronté-e-s aux rapports sociaux de sexe ; Qui n’a jamais entendu (ou prononcé) des phrases comme “Les hommes sont plus à l’aise avec la technique. Les femmes n’ont pas le sens de l’orientation. Les femmes sont plus émotives que les hommes. Les hommes ne savent pas exprimer leurs sentiments…”
Il n’est pas rare d’entendre des professionnel-le-s de l’éducation décrire des comportements “typiquement” masculins
ou féminins : “Les garçons sont turbulents, bagarreurs, bavards, désordonnés et se rendent intéressants”. Les filles, quant à elles, sont définies la plupart du temps par rapport aux garçons : “Elles sont plus polies, plus responsables, plus perfectionnistes, plus sensibles, plus calmes, plus soumises, plus travailleuses”. Mais elles ont aussi “tendance à verser dans la coquetterie, à se livrer aux commérages et à jouer sur la séduction”.
En Discutant avec des parents de notre entourage, on se rend vite compte qu’ils n’attendent pas le même comportement d’une petite fille et d’un petit garçon. Ils trouvent normal que l’une console ses amies et que l’autre joue au caïd avec ses copains. Et s’il est accepté de la plupart des parents qu’une petite fille joue avec des camions de pompier ou des blocs de construction, l’animateur, l’animatrice peut être surpris-e de la réaction d’un père qui vient reprendre son fils à la fin de la journée de plaine de vacances et qui le trouve en train de jouer à la poupée !
Ces exemples ne sont ni marginaux ni anodins.
Blanche-Neige versus Zorro
Dans une librairie, en parcourant les rayons des ouvrages destinés aux enfants et en observant les couvertures des magazines, on y trouve des magazines couleurs pastel, remplis de fées, petits poneys, gentilles sorcières et belles princesses ou des livres aux tons noir, rouge, bleu électrique, aux couvertures pleines de pirates, de dinosaures et de chevaliers. Et si une fille pourrait (peut-être) envisager d’acheter un magazine de pirates, un garçon osera-t-il acheter une revue rose-bonbon, même si son contenu l’intéresse
Des analyses de la littérature classique enfantine ont montré qu’il existe un grand déséquilibre dans la manière dont sont représentés les personnages masculins et féminins : aux femmes et aux filles le rôle de victime impuissante (persécutée par une méchante belle-mère, une sorcière, un savant-fou, un extraterrestre… au choix) ; aux hommes et aux garçons le rôle de redresseur de torts, de vengeur masqué, de super-héros… La jeune fille est sauvée par quelqu’un ou quelque chose, rarement grâce à sa propre action ; le jeune garçon s’en sort tout seul, à la seule force de son courage, de ses muscles et/ou de son intelligence.
Dans leur enquête intitulée “Les représentations du masculin et du féminin dans les albums illustrés ou Comment la littérature enfantine contribue à élaborer le genre”, Sylvie Cromer et Carole Brugeilles dressent le constat suivant : “Le déséquilibre numérique observé au profit du masculin devient hiérarchisation dès lors que l’on considère les rôles tenus (personnage principal unique ou héros, personnage principal partagé, personnage secondaire). Le sexe féminin
accède peu au rôle principal, au rang de l’héroïne au centre des événements. La sous-représentation des femmes adultes est particulièrement saisissante. Seul le partage du rôle de héros permet d’atteindre un certain équilibre entre les sexes, du moins chez les enfants. Ainsi, lorsqu’un adulte est personnage principal, qu’il partage ou non ce rôle, il s’agit presque toujours d’un homme.” Ce constat, issu d’une enquête à grande échelle au niveau européen, a été écrit en 2005, il n’y a donc pas si longtemps.
Au terme de la première étude quantitative des albums illustrés, Sylvie Cromer et Carole Brugeilles résument ainsi la situation : “La construction d’identités et de rapports sociaux de sexe est bien au cœur de la problématique des albums avec l’élément central que sont les personnages. Basés sur la suprématie du masculin et le poids de la génération adulte, induisant hiérarchisation des sexes et différenciations subtiles de rôles, les albums illustrés véhiculent des rapports sociaux de sexe inégalitaires. La littérature de jeunesse n’est pas anodine, comme le laissent croire le chatoiement de graphismes recherchés et la variété du peuple des personnages. Elle contribue à la reproduction et à l’intériorisation de normes de genre.”
“Je veux une poupée qui pleure !”
Les fabricants de jouets ne sont pas en reste en matière de stéréotypes sexués : les pages des catalogues sont remplies d’assignations, en étant destinées soit aux filles (bébés, poupées, accessoires de maquillage, dînettes, accessoires ménagers...) soit aux garçons (pirates, vaisseaux spatiaux, jeux de construction, jeux d’expérimentation scientifiques, dinosaures...). Dans certains grands magasins de jouets, si vous êtes pressé-e-s, des allées roses et des allées bleues vous indiqueront où trouver le jouet “idéal” pour votre fille ou votre garçon
A travers ses différentes campagnes contre le sexisme dans les jeux et jouets, l’association Vie Féminine décrit ainsi l’importance du jouet : “Les jouets influencent les choix de vie ! Malgré les discours officiels égalitaires, les publicités, emballages, vitrines, rayons des magasins et catalogues différencient les jeux attribués aux filles et aux garçons. La mitraillette et le fer à repasser en plastique participent ainsi à la construction d’une identité sexuée et contribuent à l’enracinement de stéréotypes. Les jouets sont des objets politiques parce qu’ils : 1° sont des instruments de socialisation des enfants ; 2° sont au cœur des rapports de force entre enfants et les adultes ; 3° sont un marché économique porteur ; 4° orientent les enfants vers leur rôle d’adulte.”, Campagne Filles et Garçons : mêmes jouets ! (2008)
Ces assignations sexuées ont bien entendu des objectifs mercantiles, car le jouet est un produit de consommation. Face au petit vélo rose “Barbie” et au petit vélo rouge “Spiderman”, les parents qui ont deux enfants de sexes différents n’auront souvent d’autre choix que d’acheter les deux engins ! Mais le désir des enfants ne surgit pas de lui-même : un marketing bien rôdé est là pour susciter leur désir vers les codes pré-existants !
Dans un article intitulé “Les filles sont invitées à investir la sphère privée et les rôles passifs”, Serge Chaumier, sociologue à l’Université de Bourgogne (France) explique : “Je commence l’année en demandant à mes élèves si, àleur avis, des différences perdurent aujourd’hui dans l’éducation des filles et des garçons. Ils me répondent bien souvent que non, que les parents modernes se gardent de toute attitude discriminatoire. Alors je leur montre les catalogues de jouets que je collectionne depuis quinze ans. Et qui n’évoluent absolument pas dans le sens d’une égalité entre les sexes. Le discours sexiste, stéréotypé, y est massif, homogène, immuable, exprimé plus vivement encore que dans les livres pour enfants ou les dessins animés. (...) Les sociologues ont travaillé sur les inégalités homme-femme au travail, en politique, puis dans la sphère domestique, mais assez peu, bizarrement, sur le rôle des imaginaires dans la
modélisation et la construction des identités masculines et féminines. (...) Ce combat peut être vécu à tort comme anecdotique. L’éducation d’un enfant est faite de détails essentiels. C’est par des actes anodins que se fabriquent les catégories de pensée sexuée, puis les inégalités dans les faits.”, Le Monde, décembre 2001.
Une maçonne et un puériculteur
Notre enseignement secondaire francophone technique et professionnel, malgré la mixité officiellement établie, se divise clairement en “filières pour filles” (puériculture, coiffure, soins aux personnes…) et “filières pour garçons”(mécanique, maçonnerie, plomberie…). Les organismes chargés d’orientation scolaire les nomment d’ailleurs ouvertement ainsi. On peut légitimement se demander quelle place est réellement laissée à l’expression du désir et des compétences d’une jeune fille qui aimerait se diriger vers une filière “mécanique-auto” ou d’un jeune garçon qui souhaiterait devenir puériculteur
De novembre 2008 à novembre 2009, dans le cadre d’un appel à projets lancé par la Direction de l’Egalité des Chances (DEC), sept recherches et recherches-actions portant sur les inégalités entre filles et garçons dans l’enseignement en Communauté française ont été effectuées. Ces études portaient sur les questions liées à l’orientation, à l’échec et/ou la réussite scolaire et d’autres questions liées aux inégalités entre filles et garçons dans l’enseignement. Les résultats de ces re-cherches ont fait l’objet, notamment, du colloque “Filles-garçons : une même école ?” en décembre 2007, mais aussi de publications, par exemple dans la revue “Faits&Gestes” (Communauté française) de mars 2010. Certains éléments de résultats font consensus dans les sept études réalisées.
“Il n’est aujourd’hui pas neutre d’être fille ou garçon du point de vue de son orientation et de sa trajectoire scolaire, tout comme il n’est pas neutre d’être originaire de tel ou tel milieu social ou culturel. Or, les causes de ces phénomènes inégalitaires sont souvent mal analysées et ne sont pas vraiment intégrées dans les pratiques pédagogiques de la communauté éducative.(...) l’école est moins égalitaire qu’il n’y paraît.
Des différences d’attentes et des différences d’attitudes vis-à-vis des filles et des garçons imprègnent les pratiques enseignantes. L’école n’est pourtant pas encore consciente qu’elle participe à la reproduction et à la création de ces stéréotypes sexués. Ces processus commencent dès l’école maternelle, au point que ces inégalités de départ sont intériorisées comme des différences naturelles entre filles et garçons.
La communauté éducative est peu sensibilisée à cette question, bien que la ségrégation sexuée s’effectue à tous les niveaux du système éducatif via des processus discriminants subtils et discrets.”
Quand “différenciation” rime avec “hiérarchisation”
Tous ces exemples mettent en évidence les représentations traditionnelles des rôles sexués, traversées par des idées reçues. Les stéréotypes sont une vision réduite de la réalité, ils induisent des comportements à celles et ceux à qui ils s’appliquent et forgent le regard des autres… Ces représentations (véhiculées, comme on vient de le voir, non seulement par la société, par les jouets, les livres..., mais aussi par toute une série d’acteurs et d’actrices de l’éducation, notamment à l’école) portent en elles le risque des assignations de rôle, le danger réel des injonctions affirmant “une fille est comme ceci et doit donc faire cela”, “un garçon est comme ceci et doit donc faire cela…” organisant les inégalités et les discriminations.
Même si “différenciation” ne rime pas forcément avec “discrimination”, le fait d’avoir des attentes, des interventions, des attitudes, des espoirs... différents en fonction des filles et des garçons est une source d’inégalités et d’injustices.
L’une des intervenantes dans le projet “A quoi joues-tu ?”, Anne Dafflon Novelle, docteure en psychologie de l’Université de Genève (UNIGE), s’est demandé s’il y avait encore aujourd’hui des différences dans la manière d’élever, de socialiser, de se représenter les filles et les garçons dans le monde occidental. Dans l’objectif d’appréhender l’origine des différences de comportements entre filles et garçons et, partant, entre femmes et hommes, elle s’est penchée sur des problématiques telles que celles de la construction de l’identité sexuée des plus petit-e-s, du rôle du milieu scolaire ou familial dans la socialisation des enfants ou des effets que peuvent avoir les habits, les jouets, les albums illustrés qui leur sont destinés... et a rassemblé ses conclusions dans un ouvrage intitulé “Filles-garçons. Socialisation différenciée ?” (2006). Quelles conclusions ?
“Le paradoxe dans lequel nous nous trouvons actuellement réside dans le fait que les parents n’ont jamais autant eu l’impression d’élever leurs enfants de manière égalitaire, alors qu’en réalité, les filles et les garçons n’ont jamais été éduqués dans un environnement aussi différenciant.”
“Est-il acceptable pour un papa de voir son fils pleurer ? La colère et l’indiscipline sont-elles plus réprimées chez une fille que chez un garçon ? Les sports vers lesquels sont orientés les filles et les garçons induisent-ils des différences dans la socialisation des deux sexes ? Le fait que les jouets techniques soient situés au rayon destiné aux garçons constitue-t-il un facteur explicatif quant aux différences de choix de carrière entre hommes et femmes ?”
Anne Dafflon Novelle. Et de préciser : “Dans notre société actuelle, différenciation rime encore et sans aucun doute avec hiérarchisation.” Dans ses conclusions, et au-delà des divergences de point de vue qui peuvent caractériser ce type d’entreprise, Anne Dafflon Novelle remarque que, contre toute attente, la tendance actuelle va dans le sens d’une socialisation toujours davantage différenciée entre les sexes, alors que la plus grande valeur sociale associée au masculin reste une constante. Le pouvoir, dans la sphère publique, tend à rester masculin. Les femmes sont cantonnées à la sphère privée... où le pouvoir reste entre leurs mains.
Pour ne pas conclure...
Les problèmes d’inégalités de genres dans la société actuelle et le combat contre le assignations et les discriminations de genres sont bel et bien d’actualité.
C’est pour vous permettre de travailler ces questions que la formation “Pour une éducation à l’égalité des genres” a été concue…
La formation “Pour une éducation à l’égalité des genres” : un processus, une démarche
Une lutte constante et discrète...
Ce sont ces représentations dont nous venons de parler, ces assignations sources d’inégalités que nous tentons de combattre aux CEMEA, au jour le jour : dans les actions de formation, en veillant à la mixité de nos équipes et des groupes de participant-e-s, en mettant en place des services à la collectivité où chacun-e doit prendre une place ; dans les séjours et plaines de vacances, en proposant des activités ouvertes à toutes et tous, en installant des coins d’activités permettant à celui ou celle qui le désire d’aller jouer librement à la poupée ou avec les petites voitures ; quand l’animateur passe le balai avec les enfants, simplement parce que le local est sale et que cela doit être fait ; quand l’animatrice propose à son groupe d’aller dans les bois construire une cabane, parce qu’elle aime bien animer ce genre d’activité…
L’un des principes des CEMEA dit “Tout être humain, sans distinction d’âge, de sexe, d’origine, de convictions, de culture, de situation sociale a droit à notre respect.” Respecter une personne, qu’il s’agisse d’un enfant ou d’un adulte, c’est prendre en considération ce que cette personne est (ses désirs, ses compétences, ses goûts, ses difficultés, son histoire…) pas ce qu’elle est sensée être. C’est mettre de côté les représentations que nous avons d’elle et qui nous viennent de sa religion, de son origine socio-économique… ou de son sexe.
Au-delà de cette vigilance constante dans nos actions d’animation et de formation, il nous a semblé nécessaire, à la clôture du projet “A quoi joues-tu ?”, de mettre en place des actions ciblées destinées à sensibiliser les différent-e-s acteurs et actrices de l’éducation à la présence de stéréotypes sexistes dans leur vie et leurs pratiques. C’est de là qu’est née la formation “Pour une éducation à l’égalité des genres”. Pour répondre, comme l’écrit Anne Dafflon Novelle, à “la nécessité d’informer les personnes concernées - les parents, la famille au sens large ou toutes les instances en charge de l’éducation des enfants – des implications induites sur le long terme par ces différenciations intersexes.”
Cadre, objectifs, principes, méthodes, équipe
La formation “Pour une éducation à l’égalité des genres” est un processus de déstabilisation-reconstruction, avec un cadre, des méthodes, des principes et des règles de formation, qui permettent aux participant-e-s de questionner leurs représentations et leurs pratiques pédagogiques à travers le filtre “genres”.
Un cadre organisationnel
Il s’agit d’une formation résidentielle d’un week-end ou non résidentielle de 4 jours (plus précisément de 2x2 jours) de 9 à 17 heures, le temps de midi faisant partie du temps de formation. C’est une formation ouverte à tous les acteurs et toutes les actrices de l’éducation, les groupes sont par conséquent hétérogènes : des enseignant-e-s, des puériculteurs-puéricultrices, des animateurs-animatrices, des travailleurs sociaux-travailleuses sociales, des formateurs-formatrices... Des femmes-des hommes, même s’il faut avouer que ces derniers sont souvent minoritaires.... en tout cas jusqu’à présent.
Le cadre de la formation est précis, fixé et les participant-e-s s’engagent à participer à son entièreté. L’équipe - toujours mixte - pose ce cadre à travers différents principes et règles de formation, et en est la garante.
Des objectifs énoncés aux participant- e-s
Les objectifs sont identifiés, explicités par écrit dans un courrier envoyé à chaque participant-e à l’inscription et rappelés par l’équipe au début de la formation. Ils sont affichés dans le local pendant toute la durée du processus, pour permettre à l’équipe et au groupe d’y faire référence si nécessaire :
- “repérer, identifier et questionner les stéréotypes sexués véhiculés par la société et/ou que vous ont transmis votre éducation, votre histoire personnelle
réfléchir aux messages implicites ou explicites transmis aux enfants, aux jeunes, à propos des rôles sexués et à l’influence de l’adulte qui participe à cette transmission, consciemment ou inconsciemment, par ses attitudes, ses pratiques éducatives ;
analyser et remettre en question vos propres modèles d’identification ;
envisager et initier de nouvelles pistes de réflexion et d’action, tant au sein de votre lieu de travail que dans la vie de tous les jours."
Des principes de formation
- l’écoute active ;
la confrontation bienveillante
la participation active ;
la confidentialité de bon sens ;
Qui installent un climat de confiance, de bienveillance entre les personnes et permettent de libérer la parole... sans jugement, sans culpabilisation.
Qui permettent d’abord l’expression et ensuite l’analyse de ce qui est dit, pensé, porté, véhiculé... par chacun-e en termes de stéréotypes sexués.
Des méthodes d’éducation active
- des activités-supports qui mobilisent la personne de différentes façons (jeux de rôles, expression corporelle, expression graphique, analyse de documents, etc.) et la font se confronter à des situations-problèmes ;
différentes structures de travail et de réflexion : individuelle, en duos, en sous-groupes, en plénière... ;
des espaces d’expression... où la parole est libérée, favorisée, suscitée, où l’on attend jusqu’au bout du bout celui ou celle qui a quelque chose à dire, où l’on permet aux silences d’exister, où l’on laisse le temps aux paroles d’être entendues... ;
une construction collective : pour élaborer un langage commun, miser sur le groupe pour questionner et apporter des éléments de réponses...
Une équipe
- compétente, dans le sens “qui a une réflexion, une expérience sur le sujet, des éléments d’analyse”, mais qui ne se définit pas comme experte, détentrice d’un savoir absolu et de toutes les réponses. Une équipe qui se veut un “déclencheur” d’analyse et de réflexion, pour inciter à la recherche plutôt que donner les réponses aux questions posées, qui développe l’auto-évaluation plutôt que l’évaluation extérieure ;
à l’écoute, bienveillante et attentive aux limites et aux émotions de chacun-e, tout en questionnant, poussant les personnes à aller plus loin dans leur réflexion, leur remise en question... ;
soutenante et structurante : qui aide les personnes à reformuler, à expliciter un raisonnement plutôt que de le faire à leur place... par ses interpellations, les éléments d’analyse, les outils proposés...
Un registre d’action... qui ne permet pas la fuite
Des méthodes d’éducation active, dans un processus de déstabilisation-reconstruction et dans un registre d’action défini, choisi : l’interaction.
En effet, face à une situation jugée problématique (comme l’inégalité des genres), on pourrait définir trois niveaux d’interprétation (et donc trois registres d’action) :
Le niveau de la trajectoire renvoie aux caractéristiques individuelles des personnes, à l’influence de leur histoire personnelle, leur parcours de vie, à leur construction psychique... On peut décider d’agir au niveau de la trajectoire par une thérapie, un suivi psychologique individuel ou une médiation de couple...
Le niveau du contexte est celui de l’historique, de l’institutionnel, qui renvoie à des influences et des normes globales et sociétales déterminant le comportement des personnes et leurs modes de relation. On peut avoir une action au niveau du contexte en agissant sur la société, en manifestant ou en faisant partie d’un mouvement collectif politique...
Le niveau de l’interaction, c’est celui de la dynamique relationnelle, des caractéristiques propres aux types de relations entretenues entre les personnes, en faisant abstraction du contexte et des particularités individuelles.On peut décider d’agir au niveau de l’interaction en travaillant sur nos attitudes, nos interventions, en réfléchissant les modèles éducatifs que nous proposons...
Notre option dans la formation “Pour une éducation à l’égalité des genres” est de travailler à ce dernier niveau : de faire émerger les stéréotypes sexués dont les personnes sont porteuses et qu’elles véhiculent – souvent inconsciemment - dans leurs relations privées ou professionnelles, dans leurs interventions éducatives... et de les questionner.
Il ne s’agit donc pas d’une thérapie, ni individuelle, ni collective. Et le niveau sociétal est pour nous une échappatoire : nous ne laissons pas les personnes s’y réfugier ! “C’est la faute des médias ! C’est la faute de l’école ! ...” Peut-être, mais vous là-dedans comment vous vous situez, comment vous vous positionnez, qu’est-ce que vous portez, transportez, véhiculez comme stéréotypes sexués et assignations de rôles qui en découlent ? Sur quoi vous pouvez agir ? Sur quoi vous avez envie d’agir ? De manière directe, dans vos interactions dans votre vie privée, sur votre lieu de travail ? Dans votre relation éducative ?
Le processus de formation met en place et provoque constamment des allers-retours entre “La Société” et “Soi dans la société”. Eveiller d’une part la prise de conscience de l’omniprésence et de l’influence des stéréo-types sexués (dans les magazines pour en-fants, dans la publicité, dans les catalogues de jouets, à l’école, dans le monde politique ou le domaine sportif...) et obliger d’autre part chacun-e à s’introspecter pour se positionner par rapport à cette transmission de stéréotypes dans ses pratiques éducatives et sa vie quotidienne.
Pour ne pas conclure...
Les stéréotypes sexués sont sources d’assignations et de discriminations, touchant autant les filles que les garçons dans leur choix ou non-choix de vie, d’études, de loisirs, de vie familiale et professionnelle... Quoi qu’en disent certain-e-s, les inégalités de genres sont encore bien présentes dans notre société à travers ces représentations figées que sont les stéréotypes, influençant nos actions et nos pensées quotidiennes.
Une action vers une société plus égalitaire est possible. Pour les CEMEA, elle passe par une prise de conscience individuelle de ces stéréotypes et des assignations qui les accompagnent, de l’influence plus ou moins grande qu’ils détiennent sur nos vies et nos pratiques éducatives... pour une égalité des genres consciente, désirée, vécue et agie. Que nous soyons parents, grands-parents, enseignant-e, formateur-formatrice, animateur-animatrice... nous sommes tou-te-s concerné-e-s.
“Reste qu’un changement vraiment significatif ne peut intervenir que si l’ensemble des acteurs de la communauté éducative intègrent la question du genre dans leurs préoccupations et leurs pratiques. (...) Ces stratégies ne se révèleront payantes que si, d’une part, elles reposent sur une reconnaissance des inégalités de genres auxquelles il faut cesser de se référer comme étant de simples différences “naturelles” et si, d’autre part, elles font consensus chez l’ensemble de l’école.” “Rapports finaux des recherches”, Faits & Gestes n° 33, Printemps 2010.
Sources : L’éducation des filles et des garçons, Vers l’Education Nouvelle, N°517, janvier 2005 |