Dès le premier confinement, en mars 2020, le groupe Petite Enfance des CEMÉA a proposé son soutien aux milieux d’accueil, à distance. Il s’agissait d’offrir une écoute active à ce que vivaient les professionnel-le-s de l’accueil en collectivité, d’apporter notre regard plus extérieur et de réfléchir à cette situation inédite avec eux-elles. Peu de demandes nous sont cependant parvenues et pour cause !
Les équipes et les directions étaient en effet davantage préoccupées, à ce moment-là, par bien d’autres enjeux et mobilisées pour gérer l’urgence. Beaucoup de lieux d’accueil étaient, de surcroît, mal équipés pour que cet accompagnement à distance puisse se réaliser dans de bonnes conditions. Mais les personnes qui ont tout de même profité de cette forme particulière d’accompagnement ont exprimé des bénéfices immédiats. Cela leur a permis une prise de recul sur la situation, une « pause » dans un quotidien particulièrement insécurisant. Cette prise de hauteur a, par exemple, aidé certaines équipes à ré-enclencher un processus de réunions d’équipes plus formelles afin d’ajuster les pratiques et à re-définir les règles communes du milieu d’accueil.
Lors du « déconfinement d’été » 2020, un groupe de responsables a souhaité continuer l’accompagnement entamé avec les CEMÉA, malgré l’état de fatigue ressenti face au travail intense et difficile des mois précédents, et en dépit du découragement face aux injonctions paradoxales reçues des autorités. L’utilité et le bien-fondé de ces rencontres ont une nouvelle fois été soulignés ! Déposer un vécu éprouvant et échanger sur les réalités de chacun-e a été largement apprécié. Parmi les difficultés exprimées par les responsables, les questions liées aux absences dans les équipes, aux émotions du personnel (peurs, malaises, tensions) ainsi qu’aux relations parfois tendues avec certains parents (non-respect des protocoles sanitaires, nervosité, voire agressivité) étaient largement partagées, mais heureusement contrebalancées par des élans de solidarité au sein des équipes, un sentiment d’appartenance du personnel au milieu d’accueil, des parents soutenants et compréhensifs.
« Cela leur a permis une prise de recul sur la situation, une « pause » dans un quotidien particulièrement insécurisant. Cette prise de hauteur a, par exemple, aidé certaines équipes à ré-enclencher un processus de réunions d’équipes plus formelles afin d’ajuster les pratiques et à re-définir les règles communes du milieu d’accueil. »
Depuis mars 2020, beaucoup de lieux d’accueil ont dû improviser de nouvelles manières de fonctionner. Les informations concernant les mesures sanitaires arrivaient au compte-gouttes et changeaient régulièrement. La zone de flou autour de certaines mesures pouvait offrir une marge de manœuvre aux directions et aux professionnel-le-s en termes de mise en œuvre. Cette pseudo-liberté d’application était cependant source de nombreux questionnements et craintes au sujet de la responsabilité des milieux d’accueil dans la gestion de cette crise sanitaire ! Les milieux d’accueil ont dû jongler entre les règles « officielles » (celles qui étaient édictées dans les Conseils Nationaux de Sécurité et celles mises en avant par l’ONE) parfois imprécises, et ce qui leur semblait « adéquat » sur le terrain pour accueillir au mieux enfants et parents. Concilier les aspects sanitaires et les besoins des enfants a été et reste encore un véritable travail d’équilibriste !
Du côté de l’accueil à domicile (qui s’exerce déjà dans un contexte très particulier à la base), la crise sanitaire a eu de nombreuses conséquences sur l’organisation et les dynamiques relationnelles, et a rendu compliqué l’exercice d’une telle profession dans la maison familiale. Les accueillant-e-s ont été particulièrement isolé-e-s, puisque les travailleurs sociaux et travailleuses sociales qui les accompagnaient au quotidien ont dû stopper leurs visites (visites qui n’ont toujours pas pu reprendre d’ailleurs à ce jour, sauf situation exceptionnelle). Comment peut-on soutenir des professionnel-le-s de l’accueil des jeunes enfants sans même pouvoir se rendre dans leur milieu d’accueil ? Déposer un
vécu, partager des difficultés, exposer des questions, nécessite une vraie présence. D’autant que les accueillant-e-s manquent déjà d’ordinaire d’espaces-temps pour se retrouver, de possibilités d’échanger avec l’équipe d’encadrement. Les liens, lorsqu’ils ne sont pas entretenus, peuvent s’effilocher…
Dans cette période d’isolement et de personnel souvent réduit, les besoins des jeunes enfants, notamment l’essentiel besoin de sécurité affective, semblaient difficiles à combler, d’autant que le virus et l’angoisse de certain-e-s adultes face à celui-ci avaient un impact sur la manière d’approcher l’enfant. Par exemple, l’accent mis sur un nettoyage intensifié réduisait dans certains cas le temps consacré à l’enfant. Conséquences de la fatigue ressentie par chacun-e face à ce contexte général anxiogène, des tensions entre professionnel-le-s, et entre professionnel-le-s et parents, n’ont pu être évitées. La continuité, élément-clé dans l’accueil des jeunes enfants n’a pas toujours pu être garantie non plus, ce qui a créé de l’insécurité chez certain-e-s enfants bien sûr, mais également chez certain-e-s adultes. Les repères habituels, si précieux pour le bien-être de tout-e-s et garants de cette continuité, ont été largement perturbés. Le maintien d’un accueil optimal pour chacun-e a, dès lors, mobilisé une énergie intense chez les professionnel-le-s !
Épuisé-e-s par ce travail énergivore durant la phase de confinement, les professionnel-le-s furent à nouveau sollicité-e-s de manière intense en juin 2020, lors du « déconfinement d’été ». Les enfants sont alors revenu-e-s en plus grand nombre, à un moment charnière lié au départ à l’école des plus grand-e-s, enfants pour lesquels la transition crèche-école n’a d’ailleurs pas pu se faire comme imaginé.
Après l’été, des cas positifs au COVID ont commencé à se multiplier dans les lieux d’accueil, ce qui a accentué la pénurie de personnel et provoqué des fermetures, partielles ou totales. Beaucoup de difficultés de gestion sont réapparues pour les directions, qui furent contraintes de laisser de côté les aspects pédagogiques du travail pour se concentrer sur le fonctionnement pur et simple de leur lieu d’accueil.
L’instabilité vécue dans les lieux d’accueil a provoqué à certains endroits un besoin de ré-injecter « en force » de la continuité, des repères. À cette fin, le choix de stabiliser les groupes d’enfants a, dans certains lieux d’accueil, été posé, en faisant en sorte qu’ils-elles soient en contact avec le moins de personnes différentes possibles. Certains aménagements ont également eu lieu pour mieux séparer les différents groupes et éviter les passages intempestifs.
« DANS LA PERSPECTIVE D’UN « RETOUR À LA NORMALE », FAISONS LE PARI DE POUVOIR GARDER CE QUI, AU TRAVERS DE CETTE CRISE INÉDITE, A PU PROVOQUER DES INITIATIVES CRÉATIVES ET RESPECTUEUSES DES BESOINS DES (SI) JEUNES ENFANTS. »
Ces changements, largement guidés par la question sanitaire (pour limiter la propagation du virus), ont eu une conséquence directe et positive sur la sécurité affective des enfants en bas âge et ont participé à la satisfaction de plusieurs de leurs besoins essentiels. Des lieux d’accueil sont ainsi passés d’un fonctionnement où les enfants changeaient de section et d’adultes encadrant-e-s tous les 8 à 10 mois, à des fonctionnements où ils-elles restent, en grandissant, avec les mêmes adultes. Ces nouvelles manières de fonctionner, imposées parfois du jour au lendemain, ont provoqué (et provoquent encore) des craintes, des réticences, des questionnements. Mais les échos des terrains nous renvoient aussi tous les effets positifs constatés par les professionnel-le-s et les parents, avec comme conséquence la plus heureuse, des enfants plus « tranquilles » : moins de changements (de lieux, de personnes de référence) sont imposés aux enfants ; elles-ils ont moins d’efforts d’adaptation à fournir et peuvent mieux anticiper ce qui se passe au quotidien ; ils-elles sont mieux compris-es par les adultes (qui sont les mêmes sur un plus long terme) et les adultes les comprennent mieux aussi. Cette continuité participe à la sérénité de tous et toutes.
Tout l’enjeu est maintenant de pouvoir pérenniser les pratiques qui permettent d’apaiser au maximum les enfants. Dans la perspective d’un « retour à la normale », faisons le pari de pouvoir garder ce qui, au travers de cette crise inédite, a pu provoquer des initiatives créatives et respectueuses des besoins des (si) jeunes enfants.
Les CEMÉA s’engagent avec cœur à soutenir les professionnel-le-s de la Petite Enfance dans la réflexion pédagogique engendrée par ce nouveau contexte. Des lieux d’accueil ont d’ailleurs déjà fait appel à nous pour les accompagner dans cette nouvelle aventure !
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