Cette formation est une survivance de l’époque où nous enchaînions les « stages école normale » pour les « normalien-ne-s ». À l’origine, il s’agissait d’une sorte de stage de base pour futur-e-s enseignant-e-s, axé sur la découverte d’activités et leur l’animation, ainsi que sur la vie du groupe. Le tout sous la loupe de l’éducation active. Elle est le fruit d’un partenariat de longue date avec la Haute École de Nivelles. Le dispositif a évolué au cours du temps et a suivi les recherches, les réflexions et les évolutions du groupe École des CEMÉA de ces dernières années.
Sa transformation, par étapes, s’est accomplie jusqu’à sa formule actuelle, plus ou moins stable depuis quelques années. Un élément s’est cependant toujours maintenu : un stage résidentiel de 8 jours consécutifs !Et puis, arrive cette drôle de période qui bouscule tant d’habitudes, mais aussi tant d’élaborations et de constructions lentes et consciencieuses. Nous voici donc embarqué-e-s dans une formule avec laquelle nous sommes peu familiers et familières : une formation hybride de cinq demi-journées en présentiel, complétées par du travail à domicile pour les participant-e-s, évoluant parallèlement en deux tout petits groupes… Quel challenge !
Bon, l’éducation active, c’est d’abord travailler dans et avec la réalité ! Oui, mais c’est, dès lors, faire le deuil de la formation dans sa forme initiale,
de notre désir de travail approfondi avec des actrices et acteurs-clés de l’éducation pour les années à venir, de nos envies de leur faire vivre cette expérience personnelle singulière. Le deuil aussi des mille et une activités empêchées par le protocole sanitaire, du plaisir de la vie de groupe en résidentiel… tout en veil-lant à proposer une vraie expérience d’éducation active. Pas simple !
Pour encadrer les deux groupes, nous formons donc deux équipes de formateurs et formatrices. Et nous nous lançons, ensemble, dans la préparation. Tout d’abord, nous nous mettons d’accord pour suivre le cheminement de la réflexion mis en œuvre habituellement. Il s’agit de partir des représentations initiales des participant-e-s pour aboutir à une prise de position, un engagement pour soi en tant que futur-e profes-sionnel-le.
Cette approche nous paraît toujours pertinente. Avec le recul, il nous semble qu’elle a eu un effet structurant et contenant pour la « grande » équipe de formation et a servi de fil rouge commun pour les deux « petites » équipes. L’enjeu était de la faire vivre dans ces conditions limitantes.
Notre rencontre avec les étudiant-e-s, quelques jours avant la formation, a été marquante. La peur de se retrouver en groupe en pleine crise sanitaire semblait côtoyer l’enthousiasme de sortir de la solitude, de participer à un apprentissage sans écran interposé. Nous avons été touché-e-s par leurs témoignages sur l’isolement, la lassitude, la sidération, voire la résignation. Lutter pour que la formation puisse avoir lieu, malgré les conditions, a pris alors un sens nouveau. Les accueillir, les écouter, leur proposer le meilleur de ce qui était possible pour nous, a semblé encore plus important que d’habitude.
La dimension humanisante et soignante de nos méthodes et de nos relations pédagogiques s’est révélée comme rarement : installer un cadre clair et sécurisant, accorder une place à chacun-e, évoluer à travers différentes structures groupales, veiller à la distribution de la parole et à l’écoute bienveillante, être attentif et attentive au cheminement de chaque participant-e et du groupe, jouer et prendre du plaisir à être ensemble... Au fur et à mesure des jours, les visages cachés derrières les masques se sont peu à peu détendus. Les espaces de parole, d’expression et de jeux ont pu être investis de plus en plus librement. Les participant-e-s ne se connaissaient pas beaucoup : elles-ils ont, en effet, entamé leurs études l’année passée et ont eu peu d’occasions formelles et informelles pour se découvrir. Ils-elles n’avaient pas non plus l’habitude du travail collectif partagé.
Les noyaux affinitaires, quand ils existaient, ont pu se rencontrer à nouveau et sont restés plus présents que d’habitude dans le groupe de formation. Lors de la première activité proposée, la réalisation d’un blason, nous avons constaté que les étudiant-e-s étaient ravi-e-s de pouvoir en découvrir plus sur leurs camarades. Elles-ils se sont rendu compte à quel point ils-elles se connaissaient peu. De même, à de nombreuses reprises, nous avons constaté que les relations en groupes de vie prenaient ici tout leur sens : c’était l’occasion pour leurs membres d’échanger et de vivre des relations avec des pairs qu’elles-ils ont appris à mieux connaître.
Cette expérience fut riche et intéressante bien qu’il fut difficile de nous détacher d’une comparaison avec la formation initialement proposée et peut-être un peu idéalisée. Il a fallu, pour l’équipe encadrante, remobiliser les habitudes, les compétences que nous n’avions plus eu l’occasion de pratiquer depuis des mois. Les conditions particulières nous ont demandé d’ajuster nos pratiques et de faire face à des limites extraordinaires.
Les masques empêchaient de capter toutes les subtilités du langage non-verbal. Le travail proposé à domicile l’après-midi ne nous permettait pas de nous rendre disponibles de la même manière. Le suivi en distanciel de deux étudiant-e-s écarté-e-s, pour quarantaine, nécessitait de réinventer les activités proposées aux autres participant-e-s des groupes.

Quant aux étudiant-e-s, la joie des retrouvailles ou de la rencontre entre eux et elles, mêlée aux difficultés de retourner au présentiel, ont parfois été des freins à la construction d’une réflexion approfondie sur l’éducation active et l’école.
Cela dit, chacun-e, à son rythme et à son niveau, s’est investi-e au mieux dans cette expérience et a, bon an mal an, cheminé. Certain-e-s ont découvert dans l’éducation active une réelle alternative à leur pratique, se demandant pourquoi celle-ci n’est pas encore plus répandue. Et surtout, se demandant pourquoi ils-elles n’avaient pas vécu ce genre de pratiques quotidiennement durant leurs études. D’autres ont simplement avoué que cet exercice leur paraissait trop complexe, en tout cas pour le moment, mais qu’elles-ils avaient été heureux-ses de le vivre. Quoi qu’il en soit, ce fut l’occasion de partage d’émotions, d’expression à travers divers supports, d’affirmations, de confirmations, de contradictions, de découverte de soi et des autres...
Pour plus d’informations, vous pouvez contacter notre groupe École à ecole cemea.be.