Un peu d’histoire
Au moment de leur création (milieu du 19e siècle), les crèches étaient des lieux hygiénico-sanitaires où l’objectif premier était de préserver les enfants de la mortalité infantile et des infections, risques encore très élevés à l’époque. Le personnel, composé principalement d’aides-soignantes n’ayant aucun diplôme, reproduisait des gestes médicaux à longueur de journée. Changes rapides, bains quotidiens, prise de température tous les matins, lavages de nez et d’yeux, constituaient un travail à la chaîne où l’enfant n’avait pas de place : il était un objet.
Dans les années 1960, et en particulier autour de mai ‘68, le combat des femmes pour leur droit à l’égalité, l’avènement de la contraception et la place de « bien précieux » que l’enfant a pris dans la société, ont entraîné une remise en cause du fonctionnement de la crèche. Parmi les raisons de cette remise en cause, il y avait le constat de la pauvreté affective des relations établies avec les enfants, du milieu insuffisamment stimulant et de l’exclusion totale des parents sous prétexte d’un savoir sur l’enfant qui donnait une sorte de monopole du pouvoir au personnel. Cette remise en cause allait certainement de pair avec les revendications des femmes, qui voulaient construire leur vie professionnelle et s’y épanouir, tout en exigeant par ailleurs la garantie d’un milieu d’accueil épanouissant pour leurs enfants avant l’âge de l’école.
Bien entendu, ces attentes étaient et n’ont cessé d’être alimentées par la diffusion dans le grand public de toutes les recherches et découvertes sur les compétences des tout-petits, sur les besoins des bébés et l’importance d’y répondre et sur l’impact fondamental des toutes premières années au niveau du développement de la personnalité.
En fait, en à peine une quarantaine d’années, les institutions de la petite enfance ont du faire face à des changements d’une ampleur énorme dans les attentes et les représentations dont elles sont l’objet. De simples « modes de garde », voire de sauvegarde, les crèches sont devenues des lieux « d’éveil », puis de « socialisation », puis de « prévention » pour devenir aujourd’hui des structures de « soutien à la parentalité » ! Et toutes ces missions ne s’annulent pas l’une l’autre, mais se cumulent… Peu d’autres institutions ont dû intégrer des changements aussi profonds en un temps si rapide !
Mais les moyens nécessaires à cette évolution n’ont pas vraiment suivi et les difficultés et les résistances (internes et externes) restent nombreuses.
C’est dans cette évolution que s’inscrit l’engagement militant des CEMÉA pour la qualité de l’accueil collectif de la petite enfance. Cet engagement se décline en trois volets.
Le premier est un engagement pour l’enfant, ici et maintenant. On peut formuler comme suit cette conviction : considérer l’enfant en tant que sujet, acteur doué d’esprit critique, en mesure d’agir sur son environnement et d’être en relation avec autrui, capable d’initiatives, d’apprentissages et d’évolution. Et aussi : vouloir faire vivre à l’enfant la confiance en soi, la capacité d’agir et de penser par lui-même, le respect de soi-même et de l’autre, l’accueil de la différence et la solidarité.
Le deuxième concerne les femmes et leur envie et/ou nécessité de travailler. On peut parler là de « coéducation » pour définir le fait que la société a véritablement la responsabilité de permettre aux femmes d’être dans la vie active en prenant en charge une partie du soin et de l’éducation des enfants. (Le même discours s’applique d’ailleurs aussi à l’accueil extrascolaire). Cette responsabilité de la société vis-à-vis des familles se traduit par l’organisation de services en nombre suffisant et par la garantie de leur qualité et de leur accessibilité. Mais on est loin du compte !
La troisième conviction qui nous porte est l’absolue nécessité de valoriser le travail des puéricultrices, d’augmenter le niveau de leur formation et de combler le gouffre qu’il y a entre les motivations du choix initial de leurs études (qui est d’ailleurs souvent un « non-choix » après un cursus scolaire semé d’échecs), le contenu et le niveau de ces études et la réalité du travail qui est attendu d’elles (le féminin est employé ici à dessein, pour souligner que les hommes sont hélas très rares dans cette profession).
Premier volet de l’engagement : Agir sur la qualité de la vie quotidienne des bébés et des jeunes enfants dans leurs lieux d’accueil et donc sur leurs conditions de développement.
Au départ, une sensation peut-être confuse de perpétuel émerveillement face aux bébés et à leur « travail » de construction psychique, d’éveil à la conscience, de découverte d’eux-mêmes et du monde. Puis, la découverte d’une pensée qui donne corps à cet émerveillement : les travaux d’Emmi Pikler, pédiatre hongroise imprégnée des idées de l’éducation nouvelle.
Née en 1902, Emmi Pikler fit ses études de pédiatrie dans la Vienne des années 20, avec certains des médecins les plus remarquables de son temps. Puis elle exerça comme pédiatre privée à Budapest, en s’inspirant d’une vision de l’enfant très novatrice pour l’époque. En observant les bébés dans leur famille, elle fit des découvertes extraordinaires sur leur développement et sur leurs compétences.
En 1946, après la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement hongrois demanda au Docteur Pikler d’ouvrir une pouponnière pour les enfants privés de parents. Elle y accueillit des nourrissons et chercha à organiser les soins et toute la vie de la pouponnière, de telle sorte que les bébés puissent avoir un développement aussi proche que possible de celui des enfants observés dans les familles et qui étaient épanouis. Elle utilisa évidemment l’ensemble de ses découvertes et ce fut une nouvelle occasion de les vérifier et de les enrichir avec la collaboration des personnes qui s’occupaient des enfants avec elle.
L’Institut Pikler, appelé communément « Lóczy », du nom de la rue à Budapest où il est situé, est, selon la très belle formule du cinéaste et journaliste Bernard Martino, un « haut lieu d’humanité ». Notre propos n’est pas, dans le cadre d’un article, d’en faire une description ou une analyse exhaustive, mais seulement d’en pointer quelques enseignements sur l’approche du jeune enfant qui ont un caractère très humaniste.
La liberté des bébés
Une des découvertes fondamentales d’Emmi Pikler est le concept de motricité libre du bébé. Cette découverte scientifique, basée sur l’observation du développement de centaines d’enfants, montre qu’un bébé, dans de bonnes conditions affectives, est capable de développer par lui-même toute la motricité globale et fine (se mettre assis, se tenir debout, marcher, grimper, saisir et manipuler les petits objets…).
La conséquence de ce constat est une éducation dont l’originalité, du point de vue du développement moteur, est la liberté qui est proposée aux enfants dès leur plus jeune âge. La liberté motrice consiste à laisser libre cours à tous les mouvements spontanés de l’enfant, sans lui enseigner quelque mouvement que ce soit.
Si le bébé est dans de bonnes conditions de sécurité affective, il cherche de lui-même à développer ses capacités et, si on lui en donne la possibilité, il acquiert de cette façon une grande aisance et une autonomie fondées sur la confiance qu’il a en lui-même. A contrario, toute intervention d’un-e adulte qui voudrait « l’aider » à lui faire prendre des positions qu’il n’a pas encore ni expérimentées ni acquises, a comme résultat d’empêcher les mouvements spontanés et par conséquent de diminuer le sentiment de compétence de l’enfant.
L’enfant essaie de nouveaux exercices, non pas poussé par un-e adulte qui attendrait de lui performances et précocité, mais parce qu’il se sent prêt à explorer une nouvelle possibilité, qu’il en a envie et s’en perçoit capable.
La liberté motrice permet à chaque enfant de se développer selon son rythme et favorise un bon équilibre, une bonne qualité des mouvements, qui participent à la construction d’une sécurité intérieure et d’une conscience de leur propre valeur, de leur compétence. En expérimentant et découvrant leurs possibilités motrices, ces enfants développent un esprit d’initiative, une curiosité et un intérêt pour la découverte du monde, ils font preuve d’attention et de persévérance dans leurs tentatives ; ils découvrent le plaisir de l’activité riche, autonome et éprouvent un sentiment de réussite.
Délivré de toute pression extérieure parasite, l’enfant peut résoudre les unes après les autres, en prenant le temps qu’il lui faut, les énigmes que son environnement, le fonctionnement de son propre corps ou la rencontre avec l’autre, lui imposent de résoudre. Ce faisant, il se prépare psychiquement à affronter avec assurance (et même appétit) les apprentissages ultérieurs. On peut dire qu’il « apprend à apprendre ».
Une équipe cohérente
Lóczy nous donne à voir une modalité de travail en équipe qui force l’admiration. Il y a une véritable identité commune, qui se crée au sein d’une équipe pluridisciplinaire de professionnel-le-s qui partagent un même projet et une même manière, cohérente et réfléchie en commun, de s’occuper des enfants dans une institution.
Parmi les besoins fondamentaux des jeunes enfants auxquels les professionnel-le-s ont à répondre, il y le besoin de comprendre et de prévoir les événements qui les entourent. En collectivité, la vie quotidienne pour un bébé pourrait ressembler à un chaos, s’il n’y avait pas les personnes de référence, les rituels, les points de repère stables, les gestes et les rythmes répétés de manière régulière. C’est là que la cohérence de tou-te-s les intervenant- e-s permet de garantir la stabilité et la continuité.
A Lóczy, l’attention au moindre détail est telle que la manière qu’ont les nurses de donner les soins aux bébés est réglée comme une chorégraphie, qui s’apparente à un rituel. Et l’existence de ce rituel est une des conditions du sentiment de sécurité de base des enfants séparés de leurs parents. Le rituel, l’ordonnancement des gestes, sert aussi de fondement et de cadre aux nurses, ce qui leur permet de laisser ensuite libre cours à l’expression spontanée de leur intérêt profond pour chaque enfant.
Le lien professionnel
Un des enjeux essentiels du travail en milieu d’accueil avec des jeunes enfants est de faire la différence entre la relation maternelle et la relation professionnelle. Contrairement à une idée malheureusement encore répandue, ce n’est pas parce qu’on est mère soi-même qu’on sait bien s’occuper des enfants des autres. Une des plus grandes impasses du métier de puéricultrice est de croire et laisser croire qu’il existe une sorte d’instinct sur lequel n’importe quelle femme peut s’appuyer pour élever des enfants qui ne sont pas les siens.
Avec son enfant, une mère se laisse guider par ses émotions, par sa faculté de ressentir ce que son enfant ressent. Les soins qu’elle lui prodigue s’inscrivent « naturellement » dans ce contexte d’interactions remplies de tendresse, de joies, mais aussi de déceptions, d’inquiétudes, de colères…
Une puéricultrice ou un puériculteur doit procurer à l’enfant ce dont il a besoin en l’absence de ses parents. Or, elle-il ne connaît pas l’enfant et n’éprouve pour lui au mieux que de l’attirance « générique ». Si le-la professionnel-le se laisse guider uniquement par ses sentiments, le risque est que certains bébés soient peu pris en compte et qu’elle-il tombe dans une relation fusionnelle avec d’autres.
Si l’on veut préserver à la fois la capacité de la personne qui accueille de prendre soin avec une attention chaleureuse de chacun des enfants qui lui sont confiés et par ailleurs respecter les relations des enfants avec leurs parents, une autre voie est proposée.
C’est l’intérêt conscient pour le développement harmonieux de chacun des enfants, au sein d’un petit groupe stable, qui va guider l’approche de l’accueillant-e. Ses capacités d’attention, sa sensibilité et ses connaissances vont soutenir cet intérêt. Lóczy nous enseigne beaucoup sur cette relation particulière et tellement juste que les nurses ont développé là-bas avec les enfants qui leur sont confiés.
Bernard Martino a résumé cela en une très belle formule. « De quelle nature est le sentiment qu’éprouve la nurse pour le tout-petit tandis que son regard bienveillant, exempt de tout jugement, l’accompagne en toutes circonstances ? Quel nom générique lui donner pour le distinguer une bonne fois du sentiment « maternel » ? Souvent, en regardant travailler ces femmes, j’ai cru les sentir complices de l’enfant, « solidaires » de ses efforts présents à la lueur des ses souffrances passées, et le mot qui m’est venu à l’esprit est le mot « fraternité ». C’est-à-dire l’éprouvé par une grande personne d’un sentiment de profonde sympathie voire d’intime connivence, vis-à-vis d’une petite personne dont on respecte les efforts qu’elle fait pour grandir, en dépit d’un destin adverse. »
Deuxième volet de l’engagement : Être à l’écoute des parents et oeuvrer à un réel partenariat entre la crèche et la famille.
Il s’agit ici de la notion de « coéducation », à savoir l’importance d’assurer aux parents, et aux mères en particulier, une prise en charge de qualité de leurs enfants, afin qu’elles se sentent disponibles et libres de se consacrer à leur vie à l’extérieur de la maison.
Mais pourquoi « aux mères en particulier » ? Parce que c’est une évidence que dans notre société la maternité pèse sur les femmes bien plus que la paternité ne pèse sur les hommes.
Les femmes sont aussi très affectées par la prégnance dans nos sociétés d’un discours qui dit en substance que, pour un jeune enfant, rien ne vaut sa mère. Cette idée ne date que de la deuxième moitié du 20e siècle (avec les travaux de Bowlby sur l’attachement et ceux de Spitz sur l’hospitalisme), mais est néanmoins très ancrée dans l’inconscient collectif. Or, dire que la mère est irremplaçable pour son bébé a au moins deux conséquences : la critique de l’accueil collectif et la marginalisation des pères.
Une autre conséquence très lourde est que la plupart des femmes ont si fortement intériorisé ce diktat, « le mieux pour un enfant c’est sa mère », qu’il en résulte pour elles un terrible sentiment de culpabilité lorsqu’elles confient leur enfant, d’une part, et une mise à l’écart, même si inconsciente, du père, d’autre part.
Mais l’impact négatif sur l’enfant du manque de présence maternelle dépend de la qualité de ce qu’il vit quand sa mère n’est pas là. D‘autres qu’elle, et en premier lieu le père, peuvent apporter beaucoup à l’enfant, tout comme, à un autre niveau, les personnes relais, clairement positionnées et investies auprès des enfants.
Sécurité affective, soins, attention, écoute des enfants, sont le rôle de chacun-e. Autrement dit, des milieux d’accueil qui soient réellement de qualité devraient avoir des répercussions positives aussi sur la confiance, la réassurance, la tranquillité des mères.
Pourquoi assiste-t-on à un mouvement de disparition des hommes des métiers de la petite enfance, après une timide avancée ? La crainte de la pédophilie est un argument massue. Et s’il y avait derrière cela une récupération politique des affaires qui ont secoué la population, par médias interposés, pour aller dans le sens de garder exclusivement aux femmes le rôle de soins aux enfants ?
Oui, c’est vrai, les hommes et les femmes s’occupent différemment des enfants, mais ceux-ci, confrontés à cette différence, ne peuvent que s’en enrichir et voir autre chose que le modèle unique de « soins aux enfants = maman ».
Pourtant, pour que les modèles d’identification avec lesquels les enfants se construisent puissent changer, cette exclusivité devra bien être assouplie !
Sylviane Giampino, psychanalyste et auteure du livre « Les mères qui travaillent sont-elles coupables ? », dans une conférence lors du Colloque pour les 50 ans de la crèche de l’Université Libre de Bruxelles, a résumé en quelques repères ce qu’est un mode d’accueil de qualité. « Tout d’abord, c’est un mode d’accueil qui personnalise : qui personnalise les enfants, les parents et les professionnels qui s’occupent des enfants. Ensuite, c’est un lieu d’accueil qui protège la sécurité affective des enfants, capable d’aménager des moyens de travailler qui permettent une continuité des liens, une continuité entre la maison et la crèche. Troisièmement, c’est un lieu d’accueil qui encourage la vitalité découvreuse des enfants. Quatrièmement, c’est un mode d’accueil qui respecte la dignité des enfants. La dignité des enfants passe par la délicatesse des soins du corps, le respect de sa pudeur, le respect des valeurs de sa famille, son milieu, ses origines et sa culture. Dernier critère, le cinquième : c’est un accueil qui accompagne les enfants dans des relations claires avec les parents. »
Troisième volet de l’engagement : Valoriser le travail des puéricultrices-puériculteurs et la professionnalisation de leur fonction.
Comme on l’a vu, depuis quelques décennies les crèches cherchent à s’adapter à des attentes de plus en plus fortes en termes de qualité de l’accueil et de réponses adéquates aux besoins des enfants et des parents accueillis. Les idées brièvement exposées plus haut sont issues (parmi d’autres) des recherches qui développent cette notion d’accueil de qualité. Mais rien qu’en lisant les cinq critères de qualité listés par Sylviane Giampino, on se rend compte de la difficulté de la tâche, en particulier pour les personnes qui sont en première ligne, c’est-à-dire les puéricultrices et puériculteurs.
Tout d’abord, il s’agit pour les personnes dont le métier est d’accueillir l’enfant en dehors de sa famille, de dépasser la confusion fréquente entre être parent et être accueillant-e, de se construire une identité professionnelle et de travailler en ayant un questionnement et une réflexion sur leurs pratiques. Cette réflexion vise à la fois à prendre conscience de l’importance de leur travail, à développer leurs compétences et à accroître leur sentiment de responsabilité par rapport à leur action auprès des jeunes enfants. Plusieurs recherches récentes concluent à un nombre impressionnant de compétences nécessaires pour exercer ce métier.
Depuis plus de trente ans, les formations élaborées par les CEMÉA pour ces professionnel-le-s tentent de les faire cheminer vers l’appropriation active de ces compétences.
Dans le chef des formateurs-formatrices et des accompagnant-e-s de terrain, il s’agit de sensibiliser (dans le sens de « rendre sensible »), de transmettre des connaissances sans faire du savoir un instrument de pouvoir, de partager une vision, de susciter l’intérêt et la motivation, d’orienter le regard, d’attirer l’attention sur l’importance des détails, de transmettre une pratique... tout cela en cherchant à atteindre une modification des attitudes « ancestrales » avec les enfants. Il s’agit aussi, forcément, d’accueillir les réactions de méfiance et de rejet et de gérer les résistances au changement.
Et il faut exprimer ici notre reconnaissance et notre admiration aux nombreuses puéricultrices (et aux quelques puériculteurs) que nous avons vu se remettre en question, évoluer, prendre conscience de l’importance des enjeux et faire preuve d’un travail que l’on peut qualifier « d’orfèvre » avec les enfants.
Mais… petit « coup de gueule » en guise de conclusion
Les CEMÉA forment le personnel des milieux d’accueil depuis plus de 30 ans et sont depuis tout ce temps actifs dans les différentes instances, recherches, interpellations du politique, publications, séminaires, colloques où l’on se bat pour que les conditions de la qualité de l’accueil se mettent en place. Après tout ce temps, il faut reconnaître qu’un certain nombre de résultats se sont concrétisés au niveau de l’O.N.E. et du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles et ce, depuis les années 2000 : le Code de la Qualité de l’Accueil a été fixé par Arrêté et les crèches doivent s’y conformer pour être agréées ; l’O.N.E. a créé la fonction de Conseiller-e Pédagogique et finance la formation continuée du personnel des milieux d’accueil. Mais paradoxalement, les conditions mêmes de travail, d’encadrement et surtout de formation de base, rendent quasiment nulle l’efficacité réelle de ces dispositifs.
Les formations continuées ne sont pas obligatoires et les personnes en formation ne sont pas remplacées ; l’organisation interne des structures est inadaptée ; ni les responsables de crèche, ni les coordinateurs ou coordinatrices accueil (nouvelle appellation des inspectrices de l’O.N.E.) n’ont une formation de type psychopédagogique ; il n’existe pas, dans les crèches belges, une fonction d’accompagnement psychopédagogique, alors que les personnes que nous rencontrons dans les sessions de formation se disent de plus en plus en manque de cela…
Enfin, et c’est le plus problématique : la formation initiale des puériculteurs- puéricultrices en Belgique francophone est, au mieux, de niveau secondaire professionnel. Or, le conseil d’avis de l’O.N.E. affirme la nécessité de considérer la formation de puériculteur- puéricultrice comme « la formation minimale de référence pour l’accueil 0-3 ans ». Pourtant, à l’heure actuelle, aucune formation de niveau supérieur ne prépare aux fonctions d’accueil des jeunes enfants, rendant impossible tout dépassement de ce seuil minimal. De plus, la formation continuée n’est nullement obligatoire, laissant au choix de chaque Pouvoir Organisateur la liberté de former le personnel ou pas.
Cet état de fait est contraire à toutes les recommandations internationales qui situent le niveau de formation requis au niveau supérieur, au moins pour une partie du personnel qui s’occupe des enfants. Notons ici en plus le décalage avec les débats sur le métier d’enseignant-e et ses enjeux de masterisation en Fédération Wallonie-Bruxelles. L’écart se creuse et va à l’encontre d’une reconnaissance de l’éducation dès la naissance.
Il y aurait matière à ressentir un certain découragement : devant la lenteur de l’évolution de la situation, devant la difficulté des choix politiques, devant le manque de moyens, devant la persistance des mentalités qui accordent peu d’importance à ce que vivent les enfants…
À quand une véritable volonté politique d’investir dans l’accueil de la petite enfance ?