Depuis le début du confinement, en équipe, nous avons expérimenté et réfléchi à la notion de culture, à travers diverses activités. Nous avons ainsi constaté que les représentations pouvaient en être multiples : de la culture à l’agriculture ou au patrimoine, de ce qui touche aux loisirs, à la force politique ou au lien social. La culture recouvre finalement bien des champs. Nous nous sommes aussi réuni-e-s, à distance, autour d’œuvres culturelles (pièces de théâtre, conférence gesticulée, films...) qui nous ont mobilisé-e-s, voire ébranlé-e-s parfois.
Alors quand il s’est agi de préparer la 5è édition du Festival du Film d’Éducation, une question s’est invitée dès les prémices d’une programmation 2021 : « Et si notre présence dans le cocon du Théâtre Mercelis n’était pas possible cette année ? » Comme tout le monde depuis mars 2020, nous avons d’abord pensé qu’il n’en serait rien. En mai-juin 2020, l’édition « à distance » n’était qu’une roue de secours que personne dans l’équipe n’imaginait utiliser un jour. Fin octobre, notre optimisme était déjà un peu moins au rendez-vous. Et au fil des mois, une évidence s’est imposée : le festival se ferait en distanciel ou ne serait pas !
Dans les tout premiers choix de cette cinquième édition, l’équipe du festival a décidé de lui trouver un nouveau nom : « SOIF D’IDÉAL ». Notre envie était aussi de dépasser le champ scolaire dans la façon dont nous pouvions être perçu-e-s. Pour les CEMÉA, l’Éducation est une et de tous les instants. Elle ne se limite pas aux lieux formels d’éducation, ni aux seuls temps scolaires. En ce sens, la volonté du festival est de créer des situations propices à l’autoformation. De créer du temps de cerveau disponible à la réflexion, à l’échange, aux dissensions. De comparer, confronter et mêler ses idées, de les exprimer, quitte à se planter. Ainsi, nous voulions un nom qui pouvait parler de toutes les catégories présentes au festival depuis 2016 : SOIF D’IDÉAL, bien sûr dans les luttes, à l’école, dans le secteur de la petite enfance, quand nous parlons d’éducation à l’égalité des genres, quand on échange autour de la santé mentale… SOIF D’IDÉAL dans tous les secteurs, dans tous les lieux d’éducation. Non pas comme une vision utopique de ce qui pourrait advenir de ces différents espaces, mais comme une vision politique de ce qu’ils
pourraient tous être si d’autres aspirations en régissaient les fonctionnements.
« Dans les tout premiers choix de cette cinquième édition, l’équipe du festival a décidé de lui trouver un nouveau nom : « SOIF D’IDÉAL ». [...] Soif d’Idéal dans tous les secteurs, dans tous les lieux d’éducation. »
Autre décision importante pour l’avenir du festival : dans une volonté de donner l’accès à la culture à tous et toutes et dans un choix politique d’ouverture au plus grand nombre, l’équipe des CEMÉA a décidé que le festival serait dorénavant une activité gratuite offerte par l’association et ce, qu’il ait lieu à distance ou en « vrai ». Dans notre société capitaliste, la gratuité est souvent associée à la médiocrité : « Si c’est gratuit, ça ne doit pas être de qualité ». Aux CEMÉA, nous avons l’envie de pouvoir dire de certaines publications, de certains évènements que les idées se partagent et qu’elles ne se vendent pas.
Ces décisions prises, il nous fallait dès lors préparer un festival tout neuf, ainsi qu’une procédure pour pouvoir proposer films, échanges, débats… à distance. Nous avons voulu réaliser quelques tests « grandeur nature » pour éprouver notre dispositif. Une première projection du film « Dima Punk » en présence de Dominique Caubet, la réalisatrice, nous a montré qu’il était possible de garder une belle part de partage d’émotions et d’émerveillement en visioconférence. Un deuxième rendez-vous, organisé avec le Collectif 21 et Point Culture autour du film « Volontaire ! », en présence de son réalisateur Yves Dorme, nous a permis d’identifier quelques astuces pratiques et de confirmer nos choix techniques. Nous avons ensuite fait appel aux intervenant-e-s d’un film qui avait marqué l’équipe du festival en 2019 : « Tous au Larzac ». Le samedi 13 février, nous avons ainsi diffusé le film à distance, en présence de Christian Rouaud, le réalisateur. Ce troisième rendez-vous a permis de peaufiner les derniers éléments d’accueil du public et des intervenant-e-s, mais il a aussi marqué le nouveau nom SOIF D’IDÉAL : l’échange sur le combat non-violent des paysanne-s du Larzac pour sauver leurs terres face aux velléités de l’armée française ne pouvait mieux illustrer cette soif d’idéal d’un collectif militant !
« AUX CEMÉA, NOUS AVONS L’ENVIE DE POUVOIR DIRE DE CERTAINES PUBLICATIONS, DE CERTAINS ÉVÈNEMENTS QUE LES IDÉES SE PARTAGENT ET QU’ELLES NE SE VENDENT PAS. »
Ces premières projections, mises en bouche et préambules du Festival du Film d’Éducation SOIF D’IDÉAL nous ont montré qu’il est possible de faire des échanges en ligne, de rendre vivante l’expérience du distanciel, même si hélas nous avons dû aussi constater que nous devrions composer avec les barrières que peut représenter le numérique, en termes de matériel ou d’aisance de manipulation.
Étonnamment, car l’omniprésence actuelle du numérique dans nos vies (télétravail, cours en ligne...) ne nous garantissait pas l’adhésion des spectatrices et spectateurs à une formule numérique, cette édition en ligne a attiré plus de monde que l’an dernier. Signe que le festival, malgré les embûches, continue de grandir, que la proposition de ce moment de croisement de regards, de réflexion collective autour de questions d’éducation et de société, continue de faire écho, petit à petit, de plus en plus loin.
Le plus parlant est d’entendre ce que les participant-e-s ont à en dire. Durant le festival, nous avons en effet proposé un livre d’or virtuel, éditeur de texte collaboratif, que les personnes pouvaient agrémenter de leurs coups de gueule, leurs coups de cœurs ou autres remarques.
Quelques extraits tirés du Livre d’or :
« Merci pour l’organisation de ce festival. Ça continue malgré les circonstances et ça fait vraiment plaisir !! Bravo aussi pour ce film, qui traite de questions difficiles avec beaucoup de pudeur et de délicatesse. Ça a vraiment fait écho chez moi ! Belle continuation ! »
« Merci, merci pour ces films, autre chose que Netflix et tutti quanti, et puis des débats, très chouettes paroles vécues. »
« Merci ! Stimulante initiative et débats intéressants ! »
« Film fort, touchant et humain, avec un souffle de liberté. Merci pour ce moment de partage intense. Cette rencontre. »
« Tout simplement bouleversant ! Bravo à la réalisatrice et merci au Festival d’avoir donné l’opportunité de voir ce film. J’ai également beaucoup apprécié les échanges et éclairages qui s’en sont suivis. Et j’ai pris note de toutes les recommandations échangées sur le chat :-) »
« Merci beaucoup pour cette belle soirée. Les CEMÉA continuent à me faire réfléchir sur ce qui fait société. Avec la bienveillance et la qualité qui caractérisent toujours leurs animations ! Bravo pour cette édition originale et à l’année prochaine.
Cette cinquième édition du festival, ce fut donc :
Cinq journées de projection
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11 films
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11 échanges
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17 intervenants et intervenantes
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Plus de 600 participantes et participants
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Des moments d’émotions, des partages mémorables…

Aperçu de la programmation 2021, tirée du site des CEMÉA.
Nous avons également profité de l’occasion pour nous essayer à la webradio, échos du festival et plateforme de discussion. Nous en ressortons les yeux bouffis d’heures passées à regarder nos écrans, mais avec des étincelles dans le regard : l’expérience s’est montrée positive.
Des débats et des désaccords, nous en avons eus. Certes, le virtuel ne remplacera jamais le réel : nous avons bien vu la différence entre le fait d’être assis-e-s, de se voir pour échanger ou d’être chacun-e derrière nos écrans. Néanmoins, nous gardons de ces moments un souvenir précieux. Des envies d’idéal, de luttes et de joie. Notre soif est infinie.
« Nous avons également profité de l’occasion pour nous essayer à la webradio, échos du festival et plateforme dediscussion. »
Témoignage d’une participante
« Les CEMÉA relèvent le défi d’un Festival du Film d’Éducation en distanciel et, pour le coup, la distance n’était pas au rendez-vous. Ils parviennent malgré les conditions à rassembler celles nécessaires pour créer du commun.
Par exemple, en proposant avant la projection un temps d’accueil, occasion de se rencontrer brièvement, de
mettre un visage sur les voix avec qui nous discuterons une fois le film terminé. Mais également en donnant à chacun-e les moyens techniques d’interagir, en décrivant simplement les opérations nécessaires à la prise de parole, orale ou écrite, afin que chacun-e, peu importe sa maîtrise des outils, puisse porter sa voix dans le débat. C’est aussi le moment de l’invitation à partager ses conceptions préalables et ses questionnements, avant d’être confronté-e au contenu.
Une fois le film terminé, on se retrouve dans notre pièce commune, le temps venu des échanges et partages d’émotions, d’idées, de questions. Sur la proposition d’une animatrice, « on commence tout de suite avec la deuxième question, vu que la première c’est toujours plus compliqué ».
Cette proposition simple mais efficace représente bien l’ambiance chaleureuse et décontractée qui nous accueille. On ne ressent pas la tension technique ou temporelle, souvent présente dans ce genre de webinaire : ici le temps est au présent. Les différent-e-s membres des CEMÉA montrent une vraie disponibilité, à la fois dans leur écoute (les propos partagés sont parfois détricotés de façon à en éclairer les enjeux, à faire rebondir la balle chez un-e intervenant-e) et à la fois dans la gestion du temps, après lequel ils-elles ne courent pas.
La présence des intervenant-e-s est précieuse, on apprend les coulisses du film, on approfondit les enjeux pédagogiques qu’ils soulèvent, mais toujours notre parole est la bienvenue. Témoignages, ressentis et expertises se mélangent sans hiérarchie. Bref, on attend la prochaine saison avec impatience, parce que la soif d’idéal est une soif qui ne se tarit pas !
Maëlle Kahan »
L’équipe Festival : festival cemea.be