Convergence(s) pour l’Éducation Nouvelle, c’est quoi l’idée ?
Il y a d’abord un creuset où s’est forgée cette idée, mais un creuset où elle se transforme vite en projet d’action ! Ce
creuset, ce sont les deux « Biennales de l’Éducation nouvelle » organisées à Poitiers (France) en 2017 et 2019. Pour les militant-e-s, elles ont été l’occasion d’échanges importants sur leurs pratiques, leurs réalisations, leurs utopies. Elles ont permis de vivre le plaisir d’apprendre des autres, de partager des savoirs multiples et d’en créer de nouveaux. Progressivement, les Biennales ont produit une vision concrète des similitudes, des mitoyennetés entre les réalités des mouvements de l’Éducation nouvelle.
Menés dans la convivialité immédiate qui nous est chère, ces échanges ont mis en évidence la vivacité du patrimoine commun de nos mouvements, que ce soit en termes de pédagogie, de pratiques éducatives, de populations associées, de complémentarité des champs d’intervention des un-e-s et des autres. Ils nous ont convaincu-e-s qu’il serait judicieux de développer volontairement et ensemble ce trésor « construit de mains de femmes et d’hommes ».
L’idée est sans conteste liée au poids heuristique de l’histoire. L’évocation du centenaire du Congrès de Calais de 1921, qui voit la naissance de la Ligue internationale de l’Éducation nouvelle, l’évocation de tous les congrès, échanges, discussions, productions et actions structurantes qui l’ont suivi nous servent, et de référence et de tremplin, pour rebondir aujourd’hui vers nos lendemains. Nos convergences peuvent dès lors alimenter une stratégie d’action politique commune visant à faire advenir dans le monde entier nos enjeux d’éducation de citoyen-ne-s émancipé-e-s et de la démocratie culturelle.
« MENÉS DANS LA CONVIVIALITÉ IMMÉDIATE QUI NOUS EST CHÈRE, CES ÉCHANGES ONT MIS EN ÉVIDENCE LA VIVACITÉ DU PATRIMOINE COMMUN DE NOS MOUVEMENTS, QUE CE SOIT EN TERMES DE PÉDAGOGIE, DE PRATIQUES ÉDUCATIVES, DE POPULATIONS ASSOCIÉES, DE COMPLÉMENTARITÉ DES CHAMPS D’INTERVENTION DES UN-E-S ET DES AUTRES. »
De la participation aux « Convergence(s) pour l’Éducation Nouvelle », une force jaillit déjà et elle se renforcera par la production commune d’un « Manifeste politique de l’Éducation nouvelle » qui affirmera les ambitions, les utopies concrètes, les références fondatrices et intangibles de l’Éducation nouvelle sur les sujets et les actes qui nous mobilisent, nous et potentiellement d’autres qui souhaiteraient nous rejoindre. Nous publierons ce manifeste en 2022 à l’occasion de la prochaine Biennale.
Après les deux expériences des Biennales de l’Éducation nouvelle à Poitiers, quelle est aujourd’hui la dimension internationale ?
La dimension internationale des « Convergence(s) pour l’Éducation Nouvelle » est en lien étroit avec le pari - vital - que fait la FiCEMÉA [2] depuis son assemblée générale de février 2020 : renforcer le travail dans les commissions régionales en se basant sur les organisations œuvrant dans chaque région ; renforcer les relations, les échanges avec d’autres mouvements par le travail des militant-e-ssur leurs territoires d’action ; améliorer la diffusion de nos propositions et de nos pratiques.
Une des conséquences attendues devrait être une production accrue de travail interculturel et une atténuation des productions « européocentrées ». C’est un enjeu majeur pour la FiCEMÉA puisque les questions culturelles sont au cœur de nos pratiques et de leurs développements. Mais c’est aussi une question centrale si nous voulons défendre l’éducation pour toutes et tous dans un monde où les inégalités sont criantes.
100 ans après le Congrès de Calais, quelles sont les questions qui restent d’actualité ? Et quelles sont les nouvelles questions ?
Les valeurs et les enjeux humanistes sont toujours des phares pour notre action, même si la lumière de certains d’entre eux demande à être ravivée. SI les droits humains ont fortement évolué depuis 1921, si les systèmes politiques tentent de les appliquer ou y font référence, reconnaissons cependant qu’aujourd’hui il y a des régressions notables. L’œuvre est loin d’être achevée : les droits de la Déclaration universelle de Droits de l’Homme de 1948 ne sont malheureusement pas acquis.
La « tectonique » des rapports de force actuels entre des « états-nations-entreprises » est certes différente de celle qui organisait le remembrement des états opérés après le conflit mondial de 1914-1918. Aujourd’hui, l’analyse géopolitique nous rend aussi compte de rapports de force très conflictuels. Mais sur ces 100 années, notons aussi que des évènements, tels ceux vécus au moment de la décolonisation, ont nourri positivement réflexions et approches en Éducation nouvelle, non sans contradictions.
Les orientations données aujourd’hui (encore !) par le système capitaliste néolibéral ont pro-fondément diminué la valorisation et l’attention à porter aux biens communs de nos sociétés. L’éducation en fait partie. Nous le savons, elle requiert notre attention la plus soutenue.
Le rapport humain-nature est fortement modifié puisque, et la prédation des richesses de la Terre-Patrie et la volonté d’asservissement des êtres humains à des objectifs à court terme, sont poussés à l’excès. L’urgence climatique pose à nouveau collectivement la problématique du lien des humains à la nature pour assurer la poursuite de l’expérience terrestre.
Les moyens de communication définis comme mass media dans les années 60, comme technologies et industries de l’information et de la communication dans les années 90, la concentration monopolistique de leurs moyens de production déterminent un contexte dont nous appréhendons les conséquences avec des craintes, mais aussi de l’offensivité. Mais à armes inégales.
La FI (FiCEMÉA) occupe-t-elle une place particulière dans l’élaboration de Convergence(s) ?
D’emblée, il m’apparaît que notre approche est pragmatique, vu notre cheminement basé sur des questions générales issues de situations concrètes pour l’amélioration desquelles nos mouvements interviennent en termes d’éducation. Par exemple, il en va ainsi de la marchandisation de l’éducation, des problématiques environnementales et climatiques dans l’Océan Indien, de l’accès à l’emploi en Afrique de l’Ouest, de la volonté de l’Union européenne de définir les associations de la société civile comme des agents économiques, la pédagogie des opprimé-e-s en Amérique latine.
Notre intérêt pour des réalisations fortes en dehors de l’école, pour les adultes comme pour les jeunes, est assurément l’une de nos particularités. Bref, notre travail et notre ambition en éducation populaire : la démocratie culturelle !
La FiCEMÉA agite aussi son aiguillon auprès de nos partenaires pour ne pas considérer la langue française comme la langue qui s’impose. Pas simple d’assurer des traductions dans cette période de disette, mais les apports des différents mouvements le permettent.
L’idée que cela se passe à Bruxelles en 2022 est sur la table ? Une bonne idée selon toi ?
Oui, c’est une bonne idée. Et c’est aussi pas mal de moyens à y consacrer et de contributions à rassembler pour parvenir à la réaliser. En 2122, parlera-t-on du Congrès de l’Éducation nouvelle à Bruxelles ? Trêve de plaisanteries… C’est vrai que la Belgique est une plateforme intéressante pour, à tout le moins, sensibiliser des représentant-e-s d’organisations internationales, voire de pays, qui pourraient nous soutenir ou sur lesquels nous pourrions faire pression pour qu’ils prennent conscience de l’importance des enjeux de l’Éducation nouvelle tels que nous les décrirons dans le Manifeste que nous allons travailler collectivement.
Autant savoir que la Commission européenne est vue par nos membres provenant des autres continents comme un endroit qui permet (encore) le soutien à des initiatives démocratiques et dans le champ de l’éducation. Concerner ses représentant-e-s par une présence dans la capitale de l’Europe peut être profitable. À condition d’organiser un travail de lobbying. N’est ce pas ce à quoi nous engageait fermement le secrétaire général de SOLIDAR lors de la séance de clôture de la Biennale qui s’est tenue en 2019 ?
[1] lancement de « Convergence(s) » du, 6 mars 2021 à retrouver sur www.convergences-educnouv.org
[2] www.ficemea.org