PARCE QUE LA CULTURE EST UNE DES CHOSES QUI NOUS DÉFINIT EN TANT QU’ÊTRE HUMAIN ! PARCE QUE CHANTER, C’EST L’EXPRESSION DE LA VIE !
On chante parce que ça permet à chacun-e d’avoir une place au sein du groupe.
Parce que ça bâtit une culture commune qui existe pendant et après le temps de formation ou de centres de vacances et qui fédère le groupe.
Parce que ça mobilise des compétences corporelles et intellectuelles, parfois nouvelles, sans que celles-ci soient jugées ou évaluées.
Parce que ça permet l’expérimentation d’une situation d’apprentissage différente.
Parce que ça ouvre à la culture et au langage et que ça les développe.
Parce que ça sert de repère.
Parce que ça permet la catharsis.
Parce que ça crée des souvenirs.
Parce que c’est un moment de pause.
Parce que ça procure du plaisir, du bien-être, mais, parfois, pas tout suite !
Toutes ces raisons, et d’autres certainement, ont peu changé par rapport aux intentions pédagogiques évoquées par Arlette, Marie-Louise et Sabine. Pourtant, chanter aujourd’hui en formation, en centres de vacances, dans nos regroupements, en action, nous semble encore plus indispen-sable qu’hier. En effet, à l’heure actuelle, dans les différents lieux collectifs, qu’ils soient identifiés comme « éducatifs » ou pas, de moins en moins de pratiques culturelles sont déployées comme outils de formation des personnes, enfants ou adultes.
Celles-ci sont trop souvent remplacées par des pratiques didactiques. Il s’agit alors d’apprendre, par exemple, les trucs et astuces pour animer un atelier d’écriture ou les caractéristiques spécifiques des jeux d’extérieur ou encore, puisque tel est notre sujet, les techniques d’animation de chant. Loin de nous l’idée que ces différentes connaissances soient inutiles ou peu dignes d’intérêt. Elles ont leur importance, notamment dans la formation de futur-e-s animateurs et animatrices ou de professionnel-le-s de l’éducation.
Toutefois, aux CEMÉA, ce que nous proposons aux personnes, c’est avant tout de vivre une expérience personnelle dans un collectif. D’éprouver dans son corps, dans sa tête, dans ses émotions et dans celles desautres, une activité et ses effets. Chanter reste d’abord un moment de chant, qui est certes éminemment formatif et éducatif, mais qui doit être vécu par les personnes pour qu’elles puissent, éventuellement après, en réfléchir les différents aspects, les différentes possibilités. Le tout collectivement. Dans notre société où ce qui compte, surtout en formation d’adultes, c’est d’être efficace, rapide, de présenter des outils clé-sur-porte que chacun-e peut reporter sur son terrain quel qu’il soit, il est nécessaire de proposer aux participant-e-s de prendre le temps de s’essayer, de se reconnecter à soi en vivant les activités.
Même si nous affirmons que le chant a une place essentielle dans la formation, force est de constater que nous chantons moins aux CEMÉA que ce que l’on voudrait. Pas dans nos plaines et dans nos séjours de vacances où cette activité reste un incontournable, pas dans nos formations à l’animation volontaire ou professionnelle, mais bien dans de nombreuses autres actions. L’explication est assez simple : nous assistons à une transformation de nos dispositifs de formation, corollaire d’une multiplication de la diversité de nos actions. En effet, nous avons amplifié nos champs d’actions et travaillé à leurs valorisations. Nous encadrons également de plus en plus de formations pour des opérateurs externes, des institutions… et nous devons parfois nous soumettre à leur cadre, leurs contraintes et leurs demandes.
Bien sûr, nous négocions au quotidien pour mettre en œuvre tant que possible notre culture de formation.
Mais, très souvent, nous devons nous accommoder de leurs réalités. Par conséquent, nos contenus se spécialisent autour de thématiques précises. En témoignent ces quelques intitulés : « Sensibilisation au sexisme dans l’espace public », « Penser et agir le numérique pour des pratiques émancipatrices », « Vivre et faire vivre la citoyenneté et la démocratie en classe »…
Le public de nos actions est par conséquent moins hétérogène, rassemblant fréquemment des personnes d’une même fonction, d’une même institution et, parfois, d’une même équipe. Ainsi, les enjeux personnels et professionnels viennent se mêler aux attentes et objectifs de la formation. Enfin, nos formats sont de plus en plus courts : le résidentiel est presque un challenge à agencer, la durée de la formation est très souvent réduite à deux jours, voire à un seul, là où nous en proposions quatre !
Certes, nous ne pouvons que nous réjouir d’être plus visibles et plus actif-ve-s (notre plan pour être incontournables se développe !). Cependant, avec ces changements, le chant, comme les autres activités issues de la culture et/ou liées à l’animation (l’art de la scène, l’écriture, le dessin, la peinture…), perd du terrain ou n’est plus pratiqué. Cette tendance est présente dans toute notre société. Et l’éducation populaire, comme l’école ou le secteur des loisirs, n’y échappe pas. Considérées comme moins nobles, moins sérieuses, moins évaluables, les activités culturelles passent généralement après le reste ou sont instrumentalisées. Même les activités qui sont habituellement survalorisées (les arts plastiques, le cinéma, la musique, le sport y compris…) ont été définies comme non essentielles dans cette période trouble que nous traversons. C’est dire !
C’est peut-être un de nos nombreux défis : faire en sorte que la culture, c’est-à-dire l’ensemble des activités pratiquées par la population, reste vivace dans tous nos espaces collectifs. Parce que la culture est une des choses qui nous définit en tant qu’être humain ! Parce que chanter, c’est l’expression de la vie !
Dans les chants et dans les danses,
Nous vivons des jours joyeux.
Vives, vives les vacances
Qui nous rendent tous heureux [1].
[1]
« Enfants de l’été, » paroles et musique de Wiliam Lemit
TÉMOIGNAGES
- Je ne me souviens plus vraiment des chansons de la plaine, j’étais trop petite. Par contre, il y avait deux chansons que me chantait ma maman et que j’aimais beaucoup : c’était « Le courlis » et « Le loir et la marmotte ». Quand j’étais petite, je dormais beaucoup et ma maman m’appelait souvent « marmotte » et, un matin pour me réveiller, elle a chanté cette chanson. J’ai beaucoup aimé. Je me souviens aussi d’une chanson du centre ados à Avignon : « Les bidons ». Parce qu’il fallait se lever, se rasseoir, c’était amusant. Et c’était crevant ! Lidwine, 20 ans
- J’adore « Les Caravelles », ça parle de la mer, et ça fait comme des vagues. J’aime aussi « Sable du temps » parce que c’est triste. Thomas, 8 ans
- « Bubble gum », c’est super chouette parce qu’en fait on peut pas manger de chewing gum à l’école. J’aime aussi « Sable du temps ». Ça parle du sable et de la mer, et en chantant, on voit les images de la mer. Martin, 6 ans
- « Make toumé toumé papa » ! Elle est cool, parce que les autres sont nulles. Mattéo, 15 ans
- « Le kilomètre zéro » parce que c’est gai de la chanter en groupe en marchant. Virginie, 44 ans
- « Si j’avais les souliers » parce que c’est la première que j’ai apprise. Elle est drôle à chanter. En plus, il faut beaucoup de temps pour l’apprendre. J’aime aussi « Calme, cool », mais je ne sais pas vraiment pourquoi. Margot, 9 ans
- « Les souliers » ! Elle est super longue et donc c’est un défi d’arriver au bout. En plus, c’est trop drôle quand quelqu’un se trompe. J’adore chanter « Le kilomètre zéro ». Elle est belle et apaisante à chanter. Jeanne, 14 ans
- « Les bidons » ! Non, en vrai, je l’aime bien. Sinon « Le charbonnier », « La ronde des légumes », « Les marches du palais », « La ronde de nuit ». Mais je serais bien en peine de justifier mes choix. C’est vraiment lié à des souvenirs, aux émotions que les chants ont suscitées et au sentiment de ne faire qu’une avec le groupe, surtout lors des canons. Régine, 37 ans
- Moi, juste « La Forge ». Parce que le texte est très imagé et poétique et que le chant en canon demande un réel effort technique, ce qui créait toujours une forte cohésion de groupe. Un vécu, des impressions. Séverine, 37 ans
- Moi, j’ai aimé chanter « Les petites grenouilles » parce que je l’avais déjà apprise à l’école et que c’était drôle de la rechanter en plaine. Véga, 10 ans
- « La mouette » parce que j’adore « Vole mon cœur ». Billie, 4 ans
- Celle avec le requin, car on la chante avec son corps et qu’elle est rigolote. Yassine, 6 ans
- Moi, comme je chante les chants des CÉMEA depuis que je suis toute petite, ça me rend nostalgique de chanter encore les mêmes chants dans les centres de vacances aujourd’hui. Inaraï, 20 ans
- J’adore chanter « Déjà, le coq a chanté », même si je la chante souvent faux. Nina, 25 ans.