À partir de 1936, sous l’éphémère gouvernement de Léon Blum et grâce aux réformes sociales du Front Populaire, la situation va radicalement changer. En effet, avec ses nouvelles lois sur les congés payés et la semaine de 40 heures, l’État français crée et institue un nouveau champ socio-économique : celui des vacances des adultes. Le repos, les loisirs, la pratique d’un sport, mais aussi les voyages, le dépaysement à la mer ou à la montagne, cessent ainsi d’être un privilège réservé à une élite fortunée : les vacances deviennent un droit.

Ce changement culturel va amener de nouvelles préoccupations quant aux vacances collectives des enfants, telles que leur réelle accessibilité pour toutes et tous, la qualité de leur encadrement ou l’intérêt pédagogique des activités et apprentissages proposés. Plusieurs personnalités prennent conscience de la nécessité d’une réflexion approfondie sur le sujet, en particulier André Lefèvre, commissaire national des Éclaireurs de France, et Gisèle de Failly, militante de l’Éducation nouvelle.

Persuadée que la réussite d’un séjour de colonie de vacances dépend avant tout de la compétence de son personnel, Gisèle de Failly lance l’idée d’une formation à l’encadrement de vacances collectives d’enfants. Plus que de la simple surveillance, elle considère que l’action des accompagnant-e-s doit permettre aux enfants d’expérimenter, d’explorer et de se développer, s’appuyant ainsi sur les principes de l’Éducation nouvelle, une pédagogie qui crée des situations où chacun-e, enfant, adolescent-e et adulte, en prenant conscience de son milieu de vie, peut se l’approprier, le faire évoluer, le modifier, dans une perspective de progrès individuel et collectif.

C’est dans ce contexte de bouillonnement social, culturel et politique que Gisèle de Failly crée ainsi le Mouvement des Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Éducation Active. Malgré le scepticisme de certain-e-s, les obstacles et les nombreuses critiques, en avril 1937, à Beaurecueil en Provence, se déroule le tout premier centre d’entraînement, sous la forme d’un stage mixte, en résidentiel, de formation de moniteurs et monitrices.

Après la Seconde Guerre mondiale, qui va provoquer leur dissolution sous l’occupation et le Régime de Vichy, les Ceméa retrouvent des conditions plus favorables à leur développement. La création d’une « Direction générale de la Jeunesse et des Sports » leur permet d’obtenir les moyens matériels nécessaires au développement de leur action. De 1945 à 1955, le nombre de stages et regroupements organisés annuellement passe de 120 à 551, tandis que le nombre de participant-e-s passe de 3.600 à 26.584./2

« L’action des accompagnant-e-s doit permettre aux enfants d’expérimenter, d’explorer et de se développer, s’appuyant ainsi sur les principes de l’Éducation nouvelle […]. »

Les années 50 vont également mener à une évolution dans les objectifs pédagogiques du mouvement, avec des préoccupations sociales et philosophiques de plus en plus explicites. Le congrès de Caen, en 1957, formulera ainsi les principes de base de l’association (qui guident toujours l’action du mouvement aujourd’hui) :

  • « Tout être humain peut se développer et même se transformer au cours de sa vie. II en a le désir et les possibilités.
  • Il n’y a qu’une éducation. Elle s’adresse à tous. Elle est de tous les instants.
  • Notre action est menée en contact étroit et permanent avec la réalité.
  • Tout être humain, sans distinction d’âge, d’origine, de convictions, de culture, de situation sociale, a droit à notre respect et à nos égards.
  • Le milieu de vie joue un rôle capital dans le développement de l’individu.
  • L’éducation doit se fonder sur l’activité, essentielle dans la formation personnelle et dans l’acquisition de la culture.
  • L’expérience personnelle est un facteur indispensable du développement de la personnalité. »/3

L’objectif premier des Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Éducation Active en France était donc d’améliorer l’accueil des enfants et des jeunes en vacances collectives en proposant une formation de qualité aux futur-e-s encadrant-e-s des colonies de vacances. Rapidement, les principes pédagogiques des Ceméa allaient se diffuser à l’international.

Création des CEMÉA/4 en Belgique et première colonie de vacances !

Après les années d’épreuves et de privations de la Seconde Guerre mondiale, les Belges se lancent dans la reconstruction de leur pays. Il faut repartir de zéro, tout est à créer ou à recréer. Malgré une situation 
socio-politique et financière compliquée, beaucoup de projets novateurs voient le jour dans tous les domaines : scientifiques,technologiques, architecturaux, artistiques… et pédagogiques. Les communications avec les pays voisins sont rétablies et permettent des contacts qui ajoutent encore au bouillonnement des idées.

Durant l’été 1945, Gaston et Ivi Brugmans (d’Angleur, dans la région de Liège), lui instituteur, elle assistante sociale, participent, un peu par hasard, à un stage de moniteurs et monitrices de colonie de vacances organisé par les Ceméa français dans la région parisienne. Le même été, un professeur d’École Normale de Bruxelles, Jean Boeckx, et sa femme Simone, se rendent à un autre stage Ceméa à Saint-Cloud. Ces quatre Belges, séduit-e-s et convaincu-e-s par les principes pédagogiques de l’Éducation nouvelle qu’ils-elles ont pu vivre, ramènent dans notre pays les semences d’une plante qu’ils-elles n’auront de cesse de voir germer grâce à la collaboration d’autres éducateurs et éducatrices, gagné-e-s à leur cause par leur enthousiasme. /5 Un an plus tard, en 1946, a lieu le premier stage CEMÉA destiné à un public belge et se déroulant en Belgique, à Sy-sur-Ourthe !

En 1961, est organisée la première colonie de vacances des CEMÉA de Belgique.
À l’époque comme aujourd’hui, les équipes sont constituées principalement de volontaires, intervenant dans le but d’agir sur le monde et de favoriser l’épanouissement d’êtres humains libres et responsables. Ils-elles agissent pour promouvoir une éducation et une culture pour le plus grand nombre, pour développer l’autonomie, la socialisation, la solidarité… Ces monitrices et moniteurs, militant-e-s de l’Éducation nouvelle, font vivre aux enfants et aux adolescent-e-s en vacances, les principes pédagogiques qui ont guidé leur formation aux CEMÉA.

«  Rapidement, les principes pédagogiques des Ceméa allaient se diffuser à l’international. »

Créés dans le but de mettre en place des lieux d’action et d’expérimentation où se déploient de façon concrète tous les principes de l’Éducation nouvelle, les centres de vacances vont, d’année en année, prendre une place de plus en plus importante dans l’action des CEMÉA en Belgique, s’inscrivant, à l’époque et d’autant plus aujourd’hui, à contre-courant des « garderies » (où les enfants attendent que le temps passe) et des « stages éducatifs » (où les activités sont prétextes à acquérir des compétences utiles parce que scolaires). En plus des formations d’animateurs-animatrices volontaires, des formations à destination des professionnel-le-s de la Petite enfance ou à destination des enseignant-e-s, les CEMÉA belges vont peu à peu s’imposer comme organisateurs de centres de vacances et organisation de jeunesse, proposant chaque année durant les congés scolaires et les vacances d’été, des séjours, plaines et ateliers créatifs pour jeunes enfants, enfants et adolescent-e-s, portés par des moniteurs et monitrices formé-e-s aux méthodes d’éducation active, attentifs-ves au développement global des enfants et des jeunes, et soucieux-euses de leur proposer des espaces d’exploration, d’expérimentation et d’émancipation.

[1] Site des Ceméa français, article « L’Origine (1937 à 1943) »,http://www.cemea.asso.fr/spip.php?article951
[2] Site des Ceméa français, article « 1944 à 1969 : Développement des Ceméa et montée en puissance des activités », https://www.cemea.asso.fr/spip.php?article952
[3] Site des Ceméa français, article « Les principes qui guident l’action des Ceméa »,https://www.cemea.asso.fr/spip.php?article2770

[4] Note : « Ceméa » en France et « CEMÉA » en Belgique sont deux manières différentes d’écrire le mouvement pédagogique. 
[5] Site des CEMÉA belges, article « Un peu d’histoire », http://www.cemea.be/ Un-peu-d-histoire-5139

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