Nous avions pensé ce moment suite à différents échanges informels avec nos partenaires, responsables communaux-communales et coordinations ATL, les mois précédents. Ils-elles nous avaient en effet partagé leurs inquiétudes quant aux bouleversements que cette réforme, touchant normalement au monde de l’école, allait pourtant apporter à l’organisation de leurs activités. Bien plus, lors de ces discussions par téléphone ou par visio (COVID oblige), ces professionnel-le-s de terrain avaient exprimé une certaine amertume de ne pas avoir été consulté-e-s, ni même correctement informé-e-s des implications que cette réforme pouvait avoir sur leur secteur. En même temps, disaient certain-e-s, cela ne les changeait pas vraiment de ce qu’il s’était passé durant la crise sanitaire, où l’accueil extrascolaire particulièrement avait été mis plusieurs fois devant le fait accompli de décisions impactant fortement l’organisation du travail des accueillant-e-s, telles que le fait d’avancer ou de prolonger de plusieurs jours certains congés scolaires, tout en maintenant un accueil des enfants dans les écoles.
Il est d’ailleurs important de rappeler que l’accueil extrascolaire a été mobilisé depuis le début, durant les différents confinements et tout le long de la crise du COVID. Les accueillant-e-s ont toujours été présent-e-s sur le terrain pour soutenir, parfois même être à la place du corps enseignant. Si la crise a ainsi pu mettre en lumière combien l’accueil extrascolaire est indispensable dans notre société, elle a aussi révélé à quel point les professionnel-le-s sont peu consulté-e-s, écouté-e-s et considéré-e-s. Comme le soulignait à l’époque David Gosseries, coordinateur ATL à Mont-Saint-Guibert : « Une chose qui m’a frappé pendant le premier confinement, c’est que tous les soirs on applaudissait – à juste titre – le personnel soignant, mais qu’il y avait aussi des attentions (des petits mots, des affiches, etc.) pour le personnel des voiries, de la poste, le personnel des magasins. Par contre, il n’y a RIEN EU comme attention ou comme message de soutien pour les accueillant-e-s, qui étaient pourtant sur le terrain et s’occupaient, notamment, des enfants du personnel soignant. Ils et elles étaient sur le front depuis le début et personne n’en a parlé. On les a oublié-e-s. » /1
Toutes ces raisons nous ont donc poussé-e-s à proposer cet atelier en octobre 2021, afin de donner la parole aux professionnel-le-s de l’Accueil Temps Libre et de recueillir leurs questions, leurs besoins et leurs craintes sur la réforme des rythmes scolaires. Mais qu’implique d’ailleurs cette réforme ?
« Le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a adopté la réforme des rythmes scolaires ce mercredi 30 mars 2022. (...) Dès la rentrée 2022, les 900 000 élèves de la Fédération Wallonie-Bruxelles entameront l’année scolaire avec un nouveau calendrier plus régulier. L’année scolaire 2022-2023 débutera le lundi 29 août 2022 et elle se terminera le vendredi 7 juillet 2023. Cette réforme concerne les élèves de maternelle, primaire et secondaire (enseignement général, technique, professionnel et spécialisé), de l’enseignement de promotion sociale et de l’enseignement artistique à horaire réduit. Avec la réforme des rythmes scolaires, le Pacte pour un Enseignement d’excellence rééquilibre ainsi le temps passé à l’école avec une alternance de 7 semaines de cours et de 2 semaines de congé, tout en conservant 14 semaines de vacances mieux réparties sur toute l’année. » /2
Il s’agit ainsi d’une autre manière de répartir les périodes de cours et les congés sur une année scolaire, qui se manifeste principalement par la réduction des vacances d’été et un passage d’une semaine à deux semaines pour les Congés d’automne (Toussaint) et de détente (Carnaval). Mais quelles seront les conséquences sur l’Accueil Temps Libre ?
Notre atelier se présentait comme suit : « À la rentrée 2022, la réforme des rythmes scolaires va considérablement modifier l’organisation de l’école... mais pas que de l’école ! Sans remettre en question le bien- fondé de cette réforme pour le bien-être des enfants et des jeunes, il est indispensable de donner la parole aux actrices et acteurs de l’Accueil Temps Libre, particulièrement de l’accueil extrascolaire : qu’est-ce que la réforme va changer pour elles et pour eux sur le terrain ? Quelles sont leurs craintes et quels sont leurs besoins ? Un atelier pour ne pas oublier qu’il n’y a pas que l’école dans la vie des enfants ! »
Il est donc important de signaler qu’à aucun moment, ni dans notre chef quand nous avons préparé l’atelier, ni dans les propos des participant-e-s présent-e-s, il n’a été question de remettre en cause les bénéfices de cette réforme sur le bien-être, la santé et les apprentissages des enfants et des jeunes et nous nous retrouvons pleinement dans cet argument : « En plus de diminuer le stress et la fatigue tout au long de l’année, réduire les vacances d’été contribue à atténuer les effets du décrochage scolaire, actuellement observés à la rentrée des classes du fait d’une trop longue rupture scolaire. » /3
Il s’agissait davantage d’identifier les impacts potentiels de ces changements sur les terrains de l’Accueil Temps Libre. Car il est évident qu’il y aura des impacts ! Si des parents pouvaient s’organiser, par exemple, pour prendre congé ou faire garder leurs enfants par les grands-parents la semaine de Toussaint ou de Carnaval, il en ira tout autrement quand le congé durera deux fois plus longtemps ! Sachant qu’il y avait moins de lieux d’accueil ouverts pendant ces courtes périodes, qu’en sera-t-il dès lors de l’accueil des enfants pendant ces ex- « petits congés » ? Les communes et les milieux d’accueil vont-ils devoir s’organiser pour répondre à la demande des parents ? Avec quels moyens : humains, financiers, organisationnels, matériels ? Avec quels soutiens et subsides ? En proposant un accueil extrascolaire ? Des stages ? Des plaines de vacances ? Rien que cette question peut avoir des implications différentes en termes de cadre mis en place, de financement, d’organisation du travail, de participation financière des parents ou de statuts des encadrant-e-s...
Toutes ces questions, et bien d’autres, ont été débattues durant l’atelier, qui a été un énorme succès : la salle était comble, il manquait de chaises pour accueillir tout le monde et les échanges avec les participant-e-s ont été riches et sensibles. Le temps a manqué pour pouvoir écouter les témoignages de chacun-e, ce qui prouve que les professionnel-le-s de terrain ont besoin de moments comme celui-là pour partager leurs vécus et leurs besoins. Beaucoup de discussions se sont d’ailleurs poursuivies de manière informelle dans les allées du Salon ou au stand des CEMÉA...
Comme pour notre atelier, l’objet de cet article était d’attirer l’attention sur cet espace-temps éducatif qu’est l’Accueil Temps Libre, peu considéré et pourtant essentiel dans la vie des enfants, mais aussi de relayer les propos des professionnel-le-s de terrain. Propos qui ont confirmé les craintes et les difficultés exprimées par nos partenaires lors de nos contacts informels précédents.
En voici un aperçu, pour conclure.
« Le manque de consultation de l’ATL vis-à-vis de la réforme fait que nous ne nous sentons pas valorisé-e-s, pas reconnus-e-s. »
« Nous nous sentons résigné-e-s d’avoir été mis-es devant le fait accompli alors que les budgets sont déjà faits ou sont en train d’être finalisés. »
« Les attentes des parents vont être plus fortes, il va être difficile d’y répondre. »
« En tant que parent, mes congés ne se multiplient pas. C’est bien de penser au bien-être de l’enfant, mais cela ne leur laisse pas forcément le temps de se poser et de se reposer s’ils enchaînent constamment école et centres de vacances. Il faut également réfléchir aux congés des parents pour que les enfants et leurs parents puissent profiter de temps ensemble. »
« En tant que maman, je trouve cela très bien cette réforme. Mais c’est une solution de facilité pour l’école. Les moyens actuels sont insuffisants pour proposer un accueil de qualité pendant les congés. »
« La réforme arrive bientôt, mais nous n’avons pas de confirmation sur le fait que nous serons subsidiés. De plus, l’enseignement supérieur ne sera pas sur les mêmes rythmes, il sera donc encore plus compliqué de trouver des étudiant-e-s disponibles pour encadrer Les plaines. »
« Les plaines demandent de la préparation, mais est-ce que ce sera possible de préparer quand les rythmes seront aussi soutenus (pour les accueillant-e-s) ? Quelle qualité d’accueil pourrons-nous alors proposer ? »
« Quid des formations continuées s’il faut que les accueillant-e-s puissent également se reposer mais qu’il faut organiser de l’accueil à chaque période de vacances ? »
« Je suis inquiet : plus de vacances, cela veut dire plus d’enfants à encadrer, mais le personnel est à bout, quand pourront ils-elles souffler ? »
« Tout cela démontre encore une fois le manque de considération flagrant vis-à-vis de nous... On n’a pas de salaire décent, on n’a pas de vrai statut, mais on est là tous les jours pour les enfants. »
[1] (Re)lire l’entièreté de son interview dans l’article « L’Accueil Temps Libre, à la croisée des terrains », Impulsions novembre 2020, http://www.cemea.be/L-Accueil-Temps-Libre-a-la-croisee-des-terrains
[2] Pour en savoir plus, « Les enfants feront leur rentrée le 29 août 2022 », site de la Fédération Wallonie-Bruxelles, 31 mars 2022,
https://www.federation-wallonie-bruxelles.be/nc/detail-article/?tx_cfwbarticlefe_cfwbarticlefront%5Baction%5D=show&tx_cfwbarticlefe_cfwbarticlefront%5Bcontroller%5D=Document&tx_cfwbarticlefe_cfwbarticlefront%5Bpublication%5D=3927&cHash=ed2292cf4d4076fcd57f2c647af53d4d
[3] « Que prévoit la réforme des rythmes scolaires ? », Enseignement.be, Fédération Wallonie-Bruxelles, mars 2022,
http://www.enseignement.be/index.php?page=28588&navi=4912
Vous pouvez retrouver dans cet article, les nouvelles affiches de la campagne Du temps extra ( en rouge ou jaune).
Le groupe ATL, atl cemea.be